Incorporée à l'Empire romain par la conquête, en 121 av. J.-C., la Savoie viticole renaît depuis vingt-cinq ans environ pour le plus grand plaisir des vacanciers.
En Savoie, la culture de la vigne s'implante dès le premier siècle de notre ère, grâce à un cépage que les auteurs romains nomme allobrogica, le cépage du peuple des Allobroges. Impossible d'affirmer son équivalence avec une variété contemporaine. On a voulu y voir la syrah et le pinot noir. La mondeuse semble la plus proche.Les vins blancs sont les plus nombreux. S'il n'y a rien d'original dans l'utilisation du chardonnay, du chasselas ou de la roussanne, il convient d'apprécier des cépages plus typiquement savoyards. La jacquère, rustique et vigoureuse, bien adaptée au climat rude, donne un vin sec, peu alcoolique, acide mais léger ; le gringet, cépage voisin du savagnin jurassien, mûrit tardivement des grappes courtes aux grains bien ronds et à la peau épaisse, et participe à l'élaboration des vins mousseux ou pétillants de Savoie-Ayze ; la molette, aux grosses grappes également tardives, forme le fond de l'assemblage du seyssel mousseux ; la roussette d'Ayze, appelée encore mondeuse blanche, entre également dans le vin mousseux de Savoie-Ayze.Il faut évidemment faire un sort particulier à l'altesse. Ce cépage serait d'origine hongroise, comme le furmint (tokay d'Alsace), ou chypriote comme le veut la tradition, qui raconte qu'il a été rapporté en 1432 à l'occasion du mariage du duc Louis avec Anne de Lusignan, fille du roi de Chypre. Son vin, sec, très aromatique (ananas, citron, miel), est le plus prisé des vins blancs de la région. On l'appelle roussette dans l'élaboration des vins blancs dits de Savoie, mais altesse seulement quand son nom est suivi de celui d'un cru comme Frangy (près d'Annecy), Monthoux et Marestel (lac du Bourget) ou Monterminod (près de Chambéry).Il ne faut pas oublier les vins de chasselas, cultivé sur la rive sud du Léman, qui portent les noms de ripaille, marignan ou crépy ; ceux de roussanne qui, sous le nom local de bergeron, donnent le chignin-nergeron (au sud de Chambéry). Parmi tous ces vins, ma préférence va au vin rouge de mondeuse, en particulier celui d'Arbin (près de Chignin), aux tanins fondus, aux arômes de mûre, cassis, et parfois d'une touche poivrée ; il demande quelques années avant de s'épanouir.Tous ces cépages cultivés depuis des siècles, parfois jusqu'à 1 000 m d'altitude en pleine Maurienne, étaient souvent conduits en taille haute (treilles et hautins) afin de bénéficier d'un ensoleillement maximum. Les catastrophes naturelles ont aidé à l'établissement de certains vignobles, comme ceux des Abymes et d'Apremont qui prospèrent sur les pentes du mont Granier. A la suite de pluies diluviennes, il s'écroula dans la nuit du 24 novembre 1248, engloutissant cinq paroisses et faisant des milliers de victimes ; les roches entraînées couvrent 12 km² de blocs calcaires choatiques.Vers 1860, lors du rattachement de la Savoie à la France, le vignoble s'étend sur 18 500 ha produisant en moyenne 500 000 hl, les vignes hautes rendant plus que les basses. Jusqu'à la dernière belle vendange de 1888, la vigne prospère et le vin se vend bien, avec la Suisse (vin de la Chautagne) et Turin comme principaux débouchés.Le phylloxera détruit le long travail de l'homme et la reconstitution se fait souvent avec de médiocres hybrides. La vigne disparaît presque totalement de la Haute-Savoie. La renaissance ne se fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, aidée par la création des AOC. Le vin de Seyssel est le premier classé, en 1942 ; suivent le crépy en 1948, l'appellation Savoie et Roussette de Savoie en 1973, et le vin du pays d'Allobrogie en 1976.Aujourd'hui, riche de ses plants nobles, la région savoyarde compte 2 400 ha de vignes produisant en moyenne 170 000 hl de vins, blancs pour les deux tiers, qui accompagnent avantageusement la fondue... savoyarde.