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La véraison

La vigne - n°100 - juin 1999 - page 0

La véraison marque la fin de la croissance herbacée et le début de la phase de maturation des baies. Ce phénomène complexe reste encore mal connu.

La véraison marque la transition entre une phase de croissance herbacée au cours de laquelle le grain de raisin se comporte comme les autres organes chlorophylliens en croissance et la phase de maturation. La première difficulté est la définition de ce phénomène. Traditionnellement, on considère que la véraison démarre lorsque les baies changent de couleur. Elles se colorent pour les cépages rouges et deviennent translucides pour les blancs. Le phénomène s'étale sur une à deux semaines. Cependant, Charles Romieu, de l'Institut des produits de la vigne à Montpellier, a montré que les modifications du fonctionnement de la baie démarrent en réalité bien avant que le changement de couleur n'intervienne. La véraison commence dès le ramollissement de la baie, qui se mesure par la diminution d'un facteur 10 de la force nécessaire pour écraser une baie de 1 mm. Le ramollissement d'une baie se fait en une journée environ. Le délai existant entre le ramollissement et le changement de couleur varie selon les cépages et les années et se situe à une quinzaine de jours.Dès que la baie a ramolli, on observe une modification du métabolisme. L'élément central de la maturation est que la baie peut accumuler les sucres. Elle devient un centre d'appel et la vitesse d'importation des sucres est multipliée par 6 ou 7, ce qui dépasse largement les capacités respiratoires des cellules. Les sucres sont donc peu à peu accumulés dans les compartiments de stockage des cellules, les vacuoles. Dans le même temps, la communication avec les vaisseaux conducteurs de sève change. Les vaisseaux du xylème qui véhiculent la sève brute en provenance du système racinaire ne sont plus fonctionnels. La baie n'est donc plus reliée qu'au phloème qui transporte la sève élaborée en provenance des feuilles. Cela signifie notamment que le lien avec le feuillage et son environnement climatique augmente.Jusqu'à la véraison, les acides organiques produits dans la cellule s'accumulent dans la vacuole. Celle-ci peut se trouver à un pH voisin de 2,3 tandis que le milieu dans lequel elle baigne (le cytoplasme) reste à 7,5 par un mécanisme sophistiqué de pompes. Puis on constate que la vacuole, qui était très hermétique jusque-là, commence à fuir. Les acides organique migrent alors dans le cytoplasme. Pour lutter contre l'acidification de ce compartiment cellulaire qui lui serait fatale, la cellule consomme l'acide malique lors de la respiration au fur et à mesure qu'il sort de la vacuole. La concentration du potassium augmente dans la vacuole, de façon plus importante dans les cellules de la pellicule que de la pulpe. Peu à peu, l'acidité des cellules et donc celle des baies diminuent. Dans le même temps, se produisent les phénomènes de coloration des baies. Tous ces bouleversements correspondent à des changements génétiques : certains gènes vont commencer à s'exprimer alors que d'autres seront réprimés à partir de la véraison. On ne sait pas exactement ce qui déclenche l'ensemble du processus de véraison. Les voies d'étude passent notamment par la génétique. Plusieurs équipes dans le monde mènent des recherches sur le sujet, dont celle de l'Institut des produits de la vigne à Montpellier. Le travail consiste à identifier des marqueurs permettant d'expliquer le déclenchement de la véraison et à trouver les gènes correspondants. Deux voies sont possibles. Dans le premier cas, on part par exemple d'une enzyme dont on suppose qu'elle serait un marqueur. On cherche la séquence génétique correspondante et on vérifie l'implication de ce gène dans le phénomène observé.Ensuite, on peut rechercher à quelles stimulations extérieures, comme la richesse du milieu en sucre ou le stress thermique, répond l'expression du gène. Dans cette première approche, il arrive que l'hypothèse retenue au départ ne se vérifie pas, ce qui constitue une grande perte de temps. L'autre technique, beaucoup plus globale, compare le niveau d'expression du matériel génétique entre deux stades du développement. Quand les séquences dont l'expression évolue sont repérées, elles sont comparées à d'importantes bases de données pour voir si elles codent pour des protéines connues.' On peut tomber sur des séquences inconnues des banques de données dont on ne sait pas pour quel composé elles codent. Inversement, on constate des phénomènes dans la plante à la véraison dont on ne connaît pas encore les séquences ', constate Charles Romieu.La véraison est un événement clé du développement. C'est aussi un tournant dans les mécanismes de défense. ' On observe l'induction naturelle de protéines de défense et la diminution de certains phénols. Mais on n'explique pas ces phénomènes. C'est aussi à partir de ce stade que la baie devient plus sensible au botrytis et moins à l'oïdium, mais la relation n'a pas été clairement démontrée ', constate Alain Deloire, de l'Institut supérieur de la vigne et du vin à Montpellier.L'étude poussée des mécanismes généraux de la véraison expliquerait, entre autres, pourquoi certains cépages sont précoces, d'autres tardifs, ou pourquoi certains conservent une bonne acidité en cas de stress thermique alors que d'autres s'écroulent. Enfin, la connaissance des mécanismes devrait permettre de mieux contrôler le déclenchement et le déroulement de la véraison.

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