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Les goûts de réduit

La vigne - n°101 - juillet 1999 - page 0

Les défauts de réduction peuvent avoir plusieurs origines. Cependant, mieux vaut éviter leur apparition car ils sont parfois difficiles à éliminer

Personne n'aime retrouver dans le fond de son verre des odeurs de chou cuit ou d'oeuf pourri. Des composés soufrés volatils sont à l'origine de ces défauts. Ils présentent l'inconvénient d'avoir un seuil de perception très bas.Dans les molécules qui déprécient l'arôme d'un vin, quatre sont souvent incriminées : des composés soufrés légers, l'H 2S ou hydrogène sulfuré, le méthanethiol, l'éthanethiol et un composé lourd, le méthionol.La levure joue un rôle primordial dans l'apparition des goûts de réduit. Selon les conditions qui l'entourent, elle produira plus ou moins de ces molécules nauséabondes. Les souches sauvages libèrent parfois de grandes quantités d'hydrogène sulfuré. Les conditions du milieu peuvent modifier le métabolisme de la levure, sélectionnée ou pas. Placée dans un moût carencé en azote assimilable, elle libère une plus grande quantité d'H 2S. L'Inra de Montpellier a montré que les besoins en azote d'une levure à l'autre, vont du simple au double pour une même vitesse de fermentation. Cela pourrait expliquer que dans des moûts pauvres en azote, certaines souches donnent facilement des goûts de réduit. Un apport d'azote permet de prévenir ces problèmes.L'intensité du débourbage joue également un rôle. Lorsque la turbidité dépasse 250 NTU, la levure risque de produire des quantités importantes de méthionol. Or, ce composé, stable, est difficile à éliminer. La turbidité joue également sur la production levurienne de composés soufrés légers comme l'H 2S et le méthanethiol. Des résidus de soufre ou de produits phytosanitaires dans les bourbes expliqueraient ces formations.La température de fermentation a elle aussi une incidence. Des travaux allemands montrent qu'à 15°C, la production de méthanethiol est moindre qu'à 20°C.La levure est bien sûr sensible aux conditions de sulfitage. Plus la dose est élevée, plus elle produira de composés soufrés, lourds et légers. A la réception du moût, le sulfitage ne doit pas dépasser les 5 g/hl. Le SO2 doit être apporté en une seule fois. Le fractionnement ne sert à rien, bien au contraire. Rajouter du SO2 avant le départ en fermentation pourrait favoriser l'apparition des goûts de réduit. La levure est également sensible à la composition du moût en acides aminés, certains étant plus favorables à la production d'hydrogène sulfuré.Valérie Lavigne a travaillé à la faculté de Bordeaux sur l'élevage sur lies des vins blancs en grand volume. Elevés en barriques, ces vins développent rarement des défauts de réduction. S'ils apparaissent en fin de fermentation, il faut soutirer le vin et le séparer de ses lies. En revanche, élevés sur lies en grand volume, les vins blancs réduisent toujours. Un soutirage avec aération, sans séparation des lies, ne suffit pas à gommer ces défauts. Valérie Lavigne a découvert que l'aptitude des levures à produire ces odeurs sulfhydriques diminuait au cours de l'élevage, pour finir par disparaître. Il faut donc séparer les lies du vin et ne les réincorporer que lorsqu'elles ont perdu cette aptitude.Valérie Lavigne et Denis Dubourdieu ont de plus montré que ces lies fraîches fixaient le méthanethiol et l'éthanethiol. L'usage de certains produits phytosanitaires sur la vigne peut engendrer l'apparition de défauts olfactifs dans les vins (article page 32). Ces mauvais goûts se développent au cours de la conservation du produit. La réduction peut aussi avoir une origine thermique.Le chauffage de la vendange, la thermovinification, l'embouteillage à chaud, le transport ou encore le stockage du vin à des températures inadaptées peuvent favoriser une réaction, appelée réaction de Maillard, qui conduit à la libération de composés soufrés volatils.A la faculté de Reims, Alain Maujean a comparé la composition d'un vin de Champagne, stocké un an à 18-20°C à l'abri de la lumière, à celle d'un autre stocké en cave à 10-12°C. Dans le premier, la concentration en thiols totaux (molécule avec une fonction SH) s'est avérée 70 fois supérieure à celle du second!Un autre défaut, le 'goût de lumière', est dû à la présence trop importante de certains composés soufrés volatils. Ce défaut, qui affecte les vins blancs placés sous les néons, est directement lié à la présence de méthanethiol et de diméthyldisulfure. Il apparaît dans des bouteilles en verre blanc, qui filtre peu le rayonnement lumineux. Sous l'effet de certaines longueurs d'onde, une vitamine du vin, la riboflavine, se retrouve ' photoexcitée '. Elle peut alors agir sur des acides aminés soufrés. Alain Maujean a montré qu'en solutions modèles, la méthionine est rapidement photodégradée en méthional qui évolue en méthanethiol. L'acide ascorbique, les catéchines et le cuivre préviennent ce défaut. Mais on peut aussi éviter d'exposer des bouteilles sous les néons et installer dans les caves des lampes au sodium ou à incandescence.Le temps de macération, le cépage, plus ou moins sensible à la réduction, la fermentation malolactique, le temps de vieillissement, le millésime... sont autant d'autres paramètres qui peuvent jouer sur l'apparition d'odeurs sulfhydriques. Il est nécessaire d'éviter que ces défauts s'installent, car il n'est pas toujours simple de les éliminer. L'aération et le soutirage ne diminuent que les teneurs en hydrogène sulfuré. L'emploi de sulfate de cuivre pour éliminer les défauts de goût est autorisé dans la limite de 1 g/hl, si le vin ne renferme pas plus de 1 mg/l de cuivre, mais ce produit peut altérer l'arôme variétal de certains cépages. Les lies fraîches permettent quant à elles de diminuer les teneurs en méthanethiol et éthanethiol.

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