En agissant sur la publicité, la loi Evin n'a pas eu, pour l'instant, d'impact sur la consommation globale, ni sur les comportements à risque.
Les promoteurs de la loi Evin, en limitant les supports et le contenu des messages, avaient pour objectif d'interdire toute incitation directe ou indirecte à l'abus d'alcool, avec un impératif : éviter de valoriser l'alcool auprès des jeunes. ' De ce point de vue, l'autorisation de l'affichage, qui s'impose à tous, a finalement vidé la loi d'une partie de sa substance. Par contre, l'évolution du contenu des messages est positive ', estime Patrick Elineau, le directeur de l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme, qui gère cent vingts centres de soins en France et mène des actions de prévention et d'accompagnement sur le terrain.Mais la loi cherche aussi à agir sur la consommation globale. ' La prévention est un tout. Il faut informer sur les risques liés à l'alcool tout en restreignant l'offre ', affirme Patrick Elineau, qui juge fondée la théorie statistique de Ledermann, selon laquelle la diminution de la consommation globale entraînerait une diminution des pathologies liées à l'alcool. Si on compare sur vingt-cinq ans la consommation et les décès liés à l'alcool, on constate qu'ils évoluent dans le même sens, ce qui ne veut pas forcément dire qu'il y a un lien de cause à effet entre les deux. La loi Evin n'a pas contribué à accélérer la diminution de la consommation, qui dépend d'un ensemble de facteurs et pas seulement de l'image de l'alcool dans la société. Sur un marché saturé comme celui des boissons alcoolisées, la publicité joue sur la répartition des parts de marché, pas sur le total des ventes. De ce point de vue, les promoteurs de la loi ont surestimé son influence.Le nombre de personnes dépendantes de l'alcool, qui est estimé en France entre 1,5 et 2 millions, n'a pas diminué non plus. En ce qui concerne les jeunes, on constate plutôt une augmentation de la consommation. Pour lutter contre l'abus d'alcool, il faut agir sur les comportements, ce qui se traduira obligatoirement par une baisse de la consommation globale, compte tenu du volume absorbé par les personnes ayant des problèmes d'alcoolisme. En revanche, agir sur la consommation peut très bien ne rien changer à l'abus, si une stratégie de prévention efficace n'est pas mise en place. De ce point de vue, une loi sur la publicité ne peut pas tenir lieu de politique de santé publique.