Francis Brumont publie un livre retraçant l'histoire du Madiran et du Saint-Mont. Il attire notre attention sur les modes de conduite anciens de ces vignobles.
Aussi loin que l'on puisse remonter dans le temps, les vignes du Madiranais sont plantées en rangs, comme presque toutes celles du Moyen Âge. Les textes parlent de lions, de liotz ou de lignons de vignes, de lignes séparées par des arrouilhes, fossés limitant les parcelles et facilitant l'écoulement des eaux. Ces fossés sont souvent plantés de haies d'aubépines.Les vignes sont échalassées. Une vigne ruinée, en friche, est une vigne sans échalas : ' Une vigne blanche presque perdue dans nul chalat ', écrit un notaire en 1650. Les échalas sont en châtaignier. En 1540, le seigneur de Cannet déclare posséder à cet usage ' une chastanée pour l'entretien des vignes '. Quand un propriétaire loue une châtaigneraie (un castagnet), le preneur paie en loyer une quantité d'échalas prêts à l'emploi.Au début du XVIIe siècle, un nouveau mode de conduite apparaît, le piquepout. Il s'agit tout simplement d'une conduite en vigne basse, sans échalas. Le cépage que nous appelons picpoul ou pique-poule (la folle blanche) y est particulièrement adapté. Les deux termes s'opposent, comme le dit bien un texte de 1729 qui mentionne la vente de deux parcelles à Fustérouau ' l'une ci-devant vigne à chala et l'autre où y avait picapout '. En 1652, les consuls de Nogaro distinguent les vignes piquepouts et décident qu'on les vendangera trois jours plus tôt que les vignes échalassées ou ' pacherades ' (du latin paxellus, paisseau, échalas). C'est à Bernède, dans la région de Saint-Mont, que la première mention de piquepout apparaît en 1627. A Madiran même, les piquepouts, plus tardifs, couvrent 50 ha en 1795, soit environ un sixième des vignes.Les hautins apparaissent plus tardivement. En 1646, les consuls de Ladevèze font saisir les fruits d'une vigne ' verger et hautin ' que Bernard Saint-Pierre, qui n'a pas payé ses impôts de 1645, possède dans ce village. A la même époque, on trouve les hautins en Béarn et dès 1675, les parcelles ainsi plantées sont importantes à Moncaup. Ces hautins viennent sans doute du Jurançonnais, où on les trouve plus nombreux encore à Monein et à Jurançon.Au XVIIIe siècle, les hautins se multiplient, dans le Vic-Bilh et les environs de Pau. Auparavant, ils ont conquis les coteaux dominant l'Adour. Avant 1700, ils sont mentionnés à Termes, au Mimort, à Sarragachies et à Viella.Dans la plaine, c'est Galiax qui semble le premier concerné. Vers 1675, les espalières, ou espaliers, autre variété de vignes hautes, sont signalées à Montégut, dans les collines proches de l'Astarac. Dans le courant du XVIIIe siècle, ces espalières se répandent en Béarn et le long de l'Adour. Vers 1750, Beaumarchés compte 95 vignes en espalières et Monterran en possède 131. Plus rares sont les mentions 'vergers à vignes' ou 'vignes vergers'. Une étude des textes montre que verger veut aussi dire hautin. Dès 1640, ces vergers hautins sont nombreux à Ladevèze. On les trouve ensuite sur les coteaux bordant l'Adour, à Sarragachies, à Bernède ou à Corneillan.Pour être plus précis, signalons que les textes appellent plutôt 'vergers' ou 'vergers hautins' les plantations qui se font en prenant pour appui soit un arbre mort, soit un arbre réputé ne pouvant nuire à la vigne, tandis que les hautins sont de longs échalas qui peuvent atteindre 5 à 6 m de hauteur dans le canton de Castelnau ; c'est du moins ce que précise un observateur qui écrit aux environs de 1800.Souvent, ces modes variés de conduite se juxtaposent dans une même parcelle où il n'est pas rare de trouver en même temps des piquepouts, des vignes échalassées, des hautins, des vergers hautins. Au mieux, ces différentes vignes occupent des lignes bien séparées et le paysage ne connaît pas l'ordonnancement des vignes contemporaines.En fait, derrière les différents modes de conduite se cache la diversité des cépages et le besoin de répartir les risques dans une culture qui ne réussit pas tous les ans.Francis Brumont, Madiran et Saint-Mont. Histoire et devenir des vignobles, Biarritz, Atlantica, 1999. 359 pages, 150 F. Préface de Marcel Lachiver.