Les limitations imposées à la publicité par la loi Evin n'ont pas entraîné de conséquences économiques néfastes pour les opérateurs de notre filière. Elles n'ont pas eu d'impact non plus sur les comportements à risques, ce qui était son objectif.
La conclusion du Conseil interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui s'est tenu mi-juin, est rassurante : l'alcool n'est pas une drogue, tant qu'il est consommé avec modération. Cela referme, en partie, la blessure ouverte par la loi Evin il y a huit ans. En s'attaquant à la publicité sans distinguer ' l'usage ' de ' l'abus ', celle-ci avait montré du doigt l'alcool comme un produit nocif et fut vécue par de nombreux vignerons comme une agression. Plusieurs rapports l'ont suivie, renforçant les inquiétudes de la filière : chacun s'est demandé s'il n'était pas un dealer en puissance. En remettant les choses à leur place, le Conseil interministériel recentre la lutte contre l'alcoolisme sur la prévention des comportements entraînant l'abus et la dépendance. Toutes ces décisions sont prises alors que le rapport d'évaluation de la loi Evin, confié à la commission Berger et attendu depuis plus d'un an, n'est toujours pas sorti. Interrogé, Guy Berger, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce travail qui doit être terminé ce mois-ci. Les vignerons ne peuvent pas être tenus pour responsable des comportements d'autrui et n'ont pas à culpabiliser sur leur produit. En revanche, ils doivent regarder une réalité en face : la lutte contre l'alcoolisme, pour être efficace, entraîne une diminution de la consommation globale, compte tenu de l'importance des volumes consommés par les personnes dépendantes. Récemment, dans ' Le Monde ', deux alcoologues estiment que 10 % des consommateurs boivent à eux seuls 40 à 50 % des quantités consommées en France.Le vin représente 67 % de la consommation totale d'alcool pur, il est forcément concerné. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de perspectives de croissance, mais simplement que le volume ne peut plus en être le moteur. Cette évolution est déjà engagée depuis de longues années. La consommation a baissé en France, mais les ventes ont progressé en valeur et les marchés à l'exportation se sont développés. ' Boire moins, boire mieux ' : la formule reste d'actualité et n'enlève rien au plaisir et à la convivialité. Ancré dans le terroir et la culture, le vin est associé à des valeurs positives. Si la loi Evin limite la publicité, elle n'interdit pas de parler du vin et de son histoire. Sur le plan économique, les conséquences à court terme sont finalement réduites, le secteur ayant retrouvé une bonne santé ces dernières années. En comparaison, la reprise des essais nucléaires a eu un impact réel sur les ventes. A long terme, la filière ne doit pas négliger la communication. Elle peut tirer parti de son ancrage sur tout le territoire pour informer des risques liés à l'alcool mais aussi sur les bienfaits d'une consommation modérée. Préserver l'image du vin est essentiel. S'il n'y avait pas eu le french paradox, la loi Evin aurait peut-être eu des conséquences négatives sur la consommation. En revanche, elle a eu un effet positif inattendu : renforcer l'union au sein de la filière. Cette force collective peut servir à se défendre mais aussi à construire, en communiquant : faire partager les valeurs associées au vin pour donner du sens à la consommation, c'est une façon d'inciter à la modération.