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L'alcool ne remplace pas l'hygiène

La vigne - n°102 - septembre 1999 - page 0

L'alcool ne préserve pas les vins de liqueur d'attaques bactériennes. Ces produits sont fragiles lorsque leur pH est élevé. L'hygiène des barriques doit passer par leur désinfection à la vapeur.

Le pineau des Charentes est un vin de liqueur. On l'obtient, après un début de fermentation alcoolique, par mutage du moût avec une eau-de-vie de Cognac provenant de la même propriété. Malgré sa richesse en éthanol (17% vol. en moyenne), il peut être l'objet d'attaques bactériennes pendant l'élevage sous bois ou, plus rarement, après la mise en bouteilles.Dans un premier temps, ces bactéries réalisent une fermentation malolactique : elles transforment l'acide malique en acide lactique. C'est ainsi qu'on les décèle. Dans un second temps, elles entraînent une augmentation de l'acidité volatile et de l'acétate d'éthyle. Le pineau des Charentes n'est pas leur seule victime. Elles s'attaquent également aux portos, aux muscats ou aux banyuls.Deux espèces altèrent les vins de liqueur : Lactobacillus hilgardii et Lactobacillus fructivorans. Cette dernière est responsable d'environ 80% des cas d'altération du pineau des Charentes. Elle se rencontre principalement dans les lies de pineau et dans les logements en bois. Elle n'est pratiquement jamais isolée dans les moûts.Dans les portos altérés, on retrouve le plus souvent L. hilgardii. Compte tenu de la stabilité des vins de liqueur, la nécessité d'appliquer une hygiène rigoureuse et systématique n'a été ressentie que récemment. Or, les observations microscopiques révèlent que les fûts sont souvent fortement contaminés, en particulier par des bactéries présentant la morphologie typique des L. fructivorans. Elles sont insérées dans le bois et difficiles à déloger.Les contrôles effectués après nettoyage et aspersion de produits désinfectants indiquent que leur action est insuffisante. Le traitement à la vapeur paraît bien plus efficace. Il libère des eaux très chargées en micro-organismes. La température atteinte à l'intérieur du fût avoisine 100°C (vapeur basse pression). Dans l'épaisseur des douelles, une zone importante est soumise à de fortes chaleurs, favorables à la destruction microbienne. Pour obtenir de tels résultats, nous avons traité chaque barrique pendant 25 min, dont 10 min de montée en température pour atteindre 98°C au sein de la barrique et 15 min de maintien de cette température.Dans la gestion des risques d'altération, l'hygiène des fûts est primordiale. Ceci étant dit, la majorité des pineaux contaminés ne présentera jamais d'altération. Ces vins constituent malgré tout un milieu de croissance limite pour les bactéries. Dès que leur pH est inférieur à 3,2, les risques qu'elles s'y multiplient sont faibles. A l'opposé, au-delà d'un pH de 3,5, les vins courent d'importants risques. Pour des valeurs entre 3,2 et 3,5, leur sensibilité est variable.La flash pasteurisation, qui consiste à porter le pineau à haute température pendant un temps très court, conduit à la stabilité microbiologique sans provoquer de modification organoleptique. Toutefois, les barèmes de pasteurisation sont élevés (20 s à 85°C). Et cette technique n'est pas à la portée de tous. Jusqu'à ces dernières années, le sulfitage était interdit dans la fabrication du pineau des Charentes. Le mutage par addition d'éthanol était considéré comme suffisant pour garantir la stabilité microbiologique. Face aux problèmes rencontrés en cours d'élevage, les professionnels ont demandé la levée de cette interdiction. Ils l'ont obtenue en 1998. Depuis, le SO2 est autorisé.Une bonne efficacité vis-à-vis de L. fructivorans est obtenue à partir de 20 mg/l (2 g/hl) de SO2 total. Mais attention : la concentration en SO2 total diminue au cours du temps. Le sulfitage à la fabrication détruit la population bactérienne initiale, mais son action antiseptique ne perdure pas. Une partie du SO2 est transformée en sulfates, si bien que l'analyse classique du dioxyde de soufre total n'indique pas les quantités de SO2 ajoutées. L'augmentation des teneurs en sulfates peut entraîner une sensation d'assèchement du vin. Plus généralement, l'ajout de SO2 a tendance à diminuer la complexité aromatique des pineaux blancs ; tandis qu'à terme, les pineaux rosés présentent plutôt une meilleure conservation des arômes de fruits frais et de la couleur.Dans tous les cas, l'emploi de fortes doses de SO2 (par exemple : 12 g/hl à la fabrication, 3 g/hl tous les trois mois) génère des goûts sulfitiques marqués et déprécie la qualité du produit. L'apport du SO2 doit donc être raisonné. Il peut être utile lors du débourbage des moûts ou de macération des cépages rouges. Un ajout de SO2 est également envisageable à la mise en bouteilles. Il ne doit cependant pas excéder 2 g/hl. Le sulfitage ne doit en aucun cas être considéré comme une solution radicale et définitive. Il s'ajoute à l'hygiène et au contrôle analytique qui constituent les deux facteurs essentiels de la prévention des risques d'altération.

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