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Récolte de 1785

La vigne - n°102 - septembre 1999 - page 0

En France, 1785 est l'année de tous les records. La production dépasse les 70 millions d'hectolitres, alors que l'année moyenne au XVIIIe siècle produit environ 20 à 30 millions d'hectolitres.

La décennie qui précède la Révolution est très contrastée pour le vignoble. En 1781, la vendange est à la fois abondante et d'excellente qualité. Si les années 1782 et 1783 donnent des vins médiocres, 1784 est très bonne avec une petite récolte. En 1785, la vigne semble devoir profiter du temps sec qui s'installe au printemps mais la sécheresse persistant, on commence à s'inquiéter parce que la fleur tarde à apparaître. Ce n'est qu'à la fin du mois d'août que les premières pluies surviennent et les grappes n'arrivent pas à grossir. François-Antoine Beltz, vigneron à Soultz (Alsace), note une véraison tardive puisque le 25 août, 'il était rare de trouver une baie rouge'. En revanche, septembre et octobre sont copieusement arrosés ; les baies grossissent rapidement et la pourriture se développe très vite. A Riquewihr, on ne peut commencer à vendanger que le 22 octobre. Partout, on note un retard d'une quinzaine de jours, y compris dans le Midi languedocien. Seul le Bordelais tire son épingle du jeu.Partout, les rendements dépassent ce qu'on a coutume d'observer. A Argenteuil, vignoble de masse alimentant Paris avec ses 1 000 ha de vigne, on arrive à 160 hl/ha. L'abbaye de Saint-Denis, sur ses 10 ha de vigne, récolte 860 hl. L'Ile-de-France recueille plus de 1 100 000 hl.Dans tous les vignobles, on vendange pendant deux ou trois semaines sous la pluie. On produit du vin 'détestable', de qualité 'alarmante', sans couleur, vert à loisir, qu'on a beaucoup de mal à loger. Les vignerons, inquiets de la sécheresse, ont hésité à se charger en tonneaux. En moins de quinze jours, le prix des fûts double et on est obligé de laisser le vin dans les cuves. Les ventes au pressoir ne se font qu'à la condition d'apporter des vaisseaux. Le subdélégué de Lodève (on dirait aujourd'hui le sous-préfet) note : 'La récolte était si abondante qu'on en était embarrassé ; ce fut un grand malheur public'.En raison d'un contexte économique épouvantable, les paysans étant ruinés par le manque de foin et la perte de leurs bestiaux, le vin ne se vend guère et à très bas prix. A Chassagne (Côte-d'Or), les meilleurs vins ne partent qu'à 72 livres la queue de 400 litres, alors qu'ils se vendent de 250 à 400 livres les bonnes années. Un curé bourguignon peut noter dans son journal : 'Encore une année d'abondance et la moitié des familles dans le vignoble ne se relèvera jamais.'En 1788, alors que les vins médiocres ne se conservaient pas à cette époque, les vignerons n'avaient pas réussi à se débarrasser de cette vendange désastreuse. Les vins finirent dans le ruisseau car le tonneau qui les contenait avait plus de valeur que le contenu. En 1789, la pénurie s'installait et devait durer jusqu'en 1796 ; la Révolution aidant, les prix allaient s'envoler, tout comme le prix des grains.

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