Bridée par des décennies d'économie planifiée, la viticulture croate ne demande qu'à se développer. Malgré la récente guerre, on recherche ici une reconnaissance au-delà des frontières.
Avant tout, il faut aimer le vin pour ce qu'il est. Avec sa voix grave, Zlatan Plenkovic ne cache pas sa fierté pour le vin rouge qui porte son nom, le Zlatan plavac. 'Il est important pour moi d'améliorer la qualité. Je réalise toujours six ou sept tests différents pour le perfectionner.' A 50 ans, faire du vin est devenu lucratif pour ce vigneron croate. Grâce à ses revenus issus du tourisme, il s'est lancé dans le commerce du vin depuis 1989. Propriétaire de 6 ha, c'est le principal vigneron de l'île de Hvar sur la côte dalmate. Il vend ses bouteilles (entre 250 000 et 300 000/an) dans la région, à Zagreb et en exporte 40% vers l'Allemagne. Ses vignobles très escarpés dominent la mer.Mais ce propriétaire n'est pas un cas isolé. Elever du vin en Croatie fait partie du quotidien et relève souvent d'une tradition familiale, au Nord, dans la Croatie continentale, comme au Sud, le long du littoral.Avec 60 000 ha de vignobles et une production totale d'environ 2,2 Mhl actuellement, l'histoire de la viticulture croate n'est pas sans rebondissements. Il y a 2 000 ans, les Grecs ont implanté leur savoir-faire dans la région. Au XIXe siècle, le phylloxera n'a pas épargné les vignes, ce qui a conduit à l'importation de cépages européens. Dès la fin du siècle dernier, les vignobles s'étiraient sur 200 000 ha. Les vins croates d'alors s'exportaient avec succès. Mais, avec l'intégration du pays dans le royaume de Yougoslavie au début du siècle, la production a fortement chuté.Cependant, au temps de l'ancienne Yougoslavie, la Croatie se plaçait déjà en tête des centres de production. La consommation reste localisée, souvent proche des lieux de production, et l'exportation est faible avec moins de 200 000 hl par an.Les vignobles croates sont nombreux mais de taille modeste, autour de 2 à 5 ha par propriétaire. Des superficies insuffisantes pour songer à exporter à des prix compétitifs. Et Zdravko Rezek, avec ses 2,5 ha à 30 km de la capitale, le sait bien. 'Pour vraiment m'en sortir et me développer, j'ai besoin de 10 ha de vignes.'. Ces dernières années, les vignerons ont fourni de gros efforts pour améliorer la production. En 1996, 477 vins croates étaient d'appellation contrôlée, dont 74 de qualité supérieure. Les vins de Croatie sont soumis à un contrôle qualitatif exercé par une commission d'experts. La classification des vins de qualité s'établit en fonction de la région de production et s'apparente au système d'AOC français.Dans la répartition des vins croates, les blancs représentent 67%, les rouges 32% et les rosés 1%.Les fortes disparités climatiques expliquent cette distribution avec un Nord continental où les blancs dominent, et le Sud, de type méditerranéen, terre de prédilection des rouges.Dans le nord, les vins blancs règnent à 93% au coeur des plaines fertiles de Pannonie et de Slavonie. La moitié des vins est issue de riesling italico, localement appelé le graveshina, mais aussi de riesling du Rhin, de gewurztraminer, de chardonnay et de sauvignon blanc (1%).Dans le nord-ouest, les rouges à base de frankvovka (blauer limberg) et de portugais bleu tentent une percée. A l'opposé, le long du littoral, les rouges ont pris leurs aises avec 70% de la production. Le cépage principal est le plavac mali dont sont issus deux rouges réputés : le dingac et le postup.Pour Roko Bracanovic, à Hvar, cette variété de qualité grandit par magie. Sur ses terrains, il n'utilise ni insecticides, ni pesticides, seulement du soufre. Afin de maximiser la qualité des raisins, 'je demande régulièrement à un oenologue de venir contrôler la quantité de sucre'. Comme la plupart des vignerons, Roko élève ses vins dans des barriques en chêne fabriquées dans la partie continentale du pays.Depuis son indépendance en 1991, le pays se développe lentement, d'autant plus qu'il sort juste de plusieurs années de guerre. 'Sous Tito, une loi interdisait la propriété privée au-delà de 10 ha de terres. Nous étions très limités, se souvient Zdravko Rezek. Maintenant, même si nous n'avons plus de véritables restrictions, la difficulté consiste à trouver des financements. Un terrain coûte au moins 110 000 F/ha. Et les banques prêtent à des taux prohibitifs. Même si une nouvelle loi prévoit de subventionner l'achat d'une terre à hauteur de 25 000 F, il y a tout le reste à payer. Et puis, elle n'est pas encore vraiment appliquée.'L'avenir de la viticulture semble reposer sur les initiatives privées. Les coopératives pèsent maintenant moins de 5% dans la production. En 1995, on en comptait 67 et 1 718 producteurs privés, alors qu'en 1986, les chiffres étaient respectivement de 561 et de 2 166. Bien que l'ex-Yougoslavie ait conservé la propriété privée, la sortie de l'économie planifiée est difficile.