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La diversité du botrytis

La vigne - n°102 - septembre 1999 - page 0

De récentes découvertes montrent qu'il n'existe pas un, mais des botrytis. Ces éléments devraient permettre, dans le futur, d'affiner les stratégies de lutte.

Le botrytis peut nuire à la fois à la quantité et à la qualité de la récolte. Un certain nombre de mesures préventives permettent, on le sait, de réduire la sensibilité de la vigne à ce champignon. Il s'agit notamment de contrôler la vigueur, d'adapter le système de conduite et, bien sûr, de maintenir les populations de tordeuses sous un certain seuil. Dans certains vignobles, la lutte chimique est pratiquement systématique. Or on sait qu'elle a un coût, à la fois financier et écologique, pour une efficacité variable. Il faut aussi prendre en compte les risques de présence de résidus dans les vins.Une meilleure compréhension de la biologie du champignon devrait permettre d'affiner les méthodes de lutte et donc d'obtenir de meilleurs résultats dans les différents vignobles.Deux équipes travaillent sur le sujet. A l'Inra de Versailles, des chercheurs des unités de pathologie végétale et de phytopharmacie ont étudié 356 souches prélevées en 1994 et 1995, en Champagne, par les services techniques de l'interprofession. Les prélèvements ont été faits sur différents sites, au niveau des tiges, des feuilles et des baies et sur les trois cépages champenois. L'utilisation de marqueurs moléculaires a révélé l'existence d'une grande diversité et d'un fort brassage génétique entre ces souches. Elles sont en effet toutes différentes les unes des autres. On peut ainsi identifier plusieurs souches sur une même baie. Toutefois, il arrive aussi que l'on retrouve plusieurs fois la même souche sur une baie. Il s'agit en fait d'un même clone ayant sporulé.Ce fort brassage génétique suppose l'existence d'une reproduction sexuée, alors qu'il était admis jusqu'à présent que le botrytis se reproduisait dans la nature de façon asexuée. Les organes de la reproduction sexuée n'ont jamais été observés au champ en France. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils n'existent pas. Si seule la reproduction asexuée existait, les gènes ne seraient pas brassés mais des mutations se produiraient à des fréquences plus ou moins élevées. Or, on retrouve une très grande diversité de génotypes. Dans les deux cas de reproduction, la sélection des souches résistantes aux fongicides dépend de la pression exercée par les produits.Cela signifie que le traitement élimine les souches sensibles et sélectionne les souches résistantes. Dans l'hypothèse d'une reproduction sexuée, les populations s'adapteraient plus rapidement. Il faut cependant souligner que même en l'absence de traitements, les souches sont naturellement très diversifiées.Les chercheurs versaillais ont aussi mis en évidence l'existence de deux espèces de botrytis qui ne se croisent pas entre elles : B. vacuma et B. transposa. On les trouve dans les mêmes parcelles et sur tous les cépages. Cependant, on constate dans les conditions champenoises, que les souches de B. vacuma sont majoritairement présentes en juin, puis qu'elles décroissent jusqu'en octobre, alors que les souches de B. transposa prédominent largement en fin de saison. B. vacuma est donc plus présente sur feuilles et B. transposa sur baies. Les chercheurs ont aussi observé que les souches B. transposa sont plus homogènes et stables dans le temps que les souches B. vacuma. L'hypothèse est donc émise que B. transposa serait une espèce stable bien adaptée sur vigne, tandis que B. vacuma serait un mélange de populations venant de plusieurs hôtes.On constate aussi des sensibilités différentes des deux espèces aux fongicides (voir encadré). Des travaux sont en cours à l'Inra de Bordeaux pour valider, dans les conditions du vignoble girondin, les résultats obtenus en Champagne.Le service d'identification génétique des micro-organismes (Sigmo), basé en pays nantais, a de son côté mené une étude, en collaboration avec les centres ITV de Nantes et de Bordeaux. Une autre méthode d'identification génétique leur permet de différencier les souches. En pays nantais, trois parcelles et deux cépages, faisant ou non l'objet de traitement, ont été suivis. Les prélèvements effectués aux différents stades de développement ont été non destructifs de manière à suivre la cinétique de développement du botrytis. Des spores sont prélevées sans prendre la feuille ou la baie atteinte. On observe là encore une grande diversité de souches avec un maximum à la véraison. Cependant, une population se retrouve majoritairement au niveau des feuilles et sur l'ensemble des parcelles. On peut penser que cela correspond à l'espèce B. vacuma identifiée par l'Inra de Versailles, mais ceci reste à vérifier. Dans l'étude menée en pays nantais, on n'observe jamais les mêmes souches au cours du temps pour un cep donné, sauf dans deux cas de témoins non traités où l'on rencontre les mêmes populations avant et après véraison. Les traitements pourraient ainsi favoriser l'apparition de souches différentes, mais cette hypothèse devra être validée. Dans l'essai bordelais, on a suivi une seule parcelle ne recevant aucun traitement antibotrytis afin d'étudier la diversité des souches. Celles qui ont été identifiées sur pieds pendant l'hiver ne se retrouvent pas ensuite sur d'autres organes. Un traitement hivernal ne semble donc pas pertinent et la question se pose, par ailleurs, de savoir d'où vient l'inoculum de la vigne.Ces études menées dans différents vignobles ont permis de battre en brèche certaines certitudes et apportent de nouveaux éléments de réflexion, mais il faudra encore attendre avant que ces résultats débouchent sur des applications pratiques dans la lutte contre le botrytis. Il semble en effet que pour le moment, ces récentes découvertes posent d'avantages de questions qu'elles n'apportent de réponses.

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