La conduite d'un filtre tangentiel exige peu d'expérience et de surveillance. L'utilisateur est libéré pour d'autres tâches.
On a tellement souffert avec la terre que c'est un bonheur maintenant, savoure Patrice Garnier, employé du domaine Gaudard. Avant de commencer les filtrations, on ne s'inquiète plus de savoir comment elles vont se passer. Pierre Aguilas, le propriétaire des lieux, confirme : 'Nous sommes enchantés.' Basé en Anjou, à Chaudefonds-sur-Layon, il produit des liquoreux, des rouges, des blancs secs et des effervescents. Depuis 1995, il se sert d'un filtre tangentiel acheté en Cuma. Avant cette date, il préparait ses vins sur un filtre à terre. 'Il faut avoir travaillé avec pour savoir ce que c'est, souligne Patrice Garnier. Les coteaux-du-layon (liquoreux) passaient par tranche de 3 à 4 hl quand tout allait bien. Quand ça ne passait pas, il fallait refaire un soutirage, puis attendre avant de recommencer.'Désormais, après trois soutirages et, si nécessaire, un collage, tous les vins sont filtrés. Aucun ne pose de difficulté. Selon leur nature, l'opération dure plus ou moins longtemps. Les blancs secs passent bien mieux que les autres. 'On clarifie une cuve de 50 hl d'un coup sans avoir à rincer le filtre. Le débit s'établit autour de 13 à 14 hl/heure. Avec les rouges, il tombe à 10 hl/h. Il chute encore lorsque la clarification porte sur des coteaux-du-layon : il faut compter trois heures pour venir à bout d'une cuve de 10 hl.'Ces données tiennent compte du temps passé à laver le filtre, dont la surface est de 20 m². Ce dernier étant semi-automatique, l'utilisateur doit l'alimenter en eau claire ou additionnée de détergents. Il est contraint d'intervenir au bout de trois à six heures selon la nature des vins. Ceci l'oblige à se lever la nuit car, en période de filtration, l'appareil tourne constamment.Bien que les débits soient plus faibles qu'avant, Patrice Garnier s'y retrouve. En raison du travail de nuit, les filtrations s'étalent sur une période plus courte. 'Ça fonctionne seul. Je n'y consacre que deux heures au cours d'une journée de huit heures. Le reste du temps, je peux tailler ou faire autre chose. Avant, il fallait tout le temps être là.'Les deux heures sont essentiellement consacrées aux lavages. D'autres chais n'ont pas ce souci. Ils se sont équipés d'appareils dont l'automate, une fois programmé, commande les décolmatages, les rinçages à l'eau claire et les détartrages. L'utilisateur ne s'occupe que des raccordements. Il doit aussi veiller à l'évolution de la concentration en lies dans la cuve d'alimentation. Lorsqu'elle devient trop importante, le débit chute. Il vaut mieux mettre le vin trouble de côté afin que le reste de la cuvée passe plus rapidement. Ces lies seront filtrées en fin de cycle. C'est l'une des rares astuces qu'il faut connaître. Dans les grands sites d'embouteillage, on a également pris l'habitude de centrifuger avant la filtration tangentielle. Les opérateurs préservent ainsi le débit de leur équipement. Mais dans les domaines, on clarifie des vins bruts ou simplement collés.Le travail n'a donc plus rien à voir avec celui correspondant à une filtration sur terre, que la nouvelle technologie entend remplacer. Il requiert peu de surveillance et d'expérience, alors qu'il en faut pour doser les poudres, constituer la précouche ou manipuler les vannes. Les petits volumes ne risquent plus d'être pollués par des goûts de cellulose ou de plaque. Les vins se gouttent dès la sortie du filtre. Ils n'ont plus besoin d'un délai pour se remettre de leur clarification. Les pertes et les rejets sont nettement réduits. Ils tiennent au volume mort des filtres et non plus à la quantité de kieselgur dont il faut les nourrir. En contrepartie de tous ces avantages, il faut investir lourdement. Cela n'est pas prêt de changer. Malheureusement, chez les constructeurs, aucune baisse des prix ne semble à l'ordre du jour.