Créées il y a une cinquantaine d'années, les interprofessions ont subi un 'lifting' lors de la loi de juillet 1975. Elles régulent, protègent, communiquent, recherchent... et participent notoirement à la réussite de la viticulture française.
Gardiennes du temple, les interprofessions bénéficient d'un réel respect de la plupart des vignerons et des négociants, mais aussi de l'Etat qui regarde avec satisfaction une filière 'si bien organisée'. Aujourd'hui, personne ne conteste le bien-fondé de ces structures. Mais elles n'ont pas toujours connu d'emblée une large adhésion. Certes, il y a toujours eu des relations cadrées entre les vignerons et les négociants.'Dès la fin du siècle dernier, les vignerons et les négociants se sont rencontrés, rappelle Jean-Luc Barbier, directeur adjoint du CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne). Au début de ce siècle, leurs objectifs étaient de délimiter le vignoble, de définir les règles de l'appellation Champagne avant même la création de l'Inao, d'éviter l'usurpation du mot 'champagne' et d'organiser le marché du raisin. Ces fondements restent d'actualité. Les vignerons détiennent 90% du vignoble et les négociants commercialisent 70% de l'appellation. Ils ne peuvent pas s'ignorer.'Les véritables structures n'ont toutefois pris naissance que pendant l'Occupation. En 1941, le CIVC (champagne) et le BNIC (cognac) voyaient le jour. Le CIVN (vins doux naturels) leur emboîtait le pas deux ans plus tard. Les premières interprofessions furent mises en place pour des produits où le négoce avait un rôle important dans leur élaboration. Ce sont également elles qui possèdent une structure technique forte car leur problématique ne trouve pas de réponse dans les organismes classiques. De la Libération aux années 60, la plupart des régions viticoles entrent dans la danse des interprofessions. Selon la personnalité des responsables syndicaux, la santé économique de la région ou encore les relations pré-existantes entre négoce et viticulture, les interprofessions mettent plus ou moins de temps à jouer un véritable rôle.A cette époque, leur principal objectif consiste à réguler le marché. 'Mais nous nous sommes vite rendu compte que les actions sur l'offre n'apportaient pas de grands résultats, souligne Jean-Michel Courteau, directeur du CIVB (Bordeaux) de 1968 à 1998. L'action sur la demande, c'est-à-dire la communication, nous est vite apparue plus importante.'Cette évolution a eu de grandes conséquences sur les budgets interprofessionnels, car la publicité exige des moyens importants. Leur structure s'est alors révélée inadaptée à ces nouveaux besoins. Le cadre initial des interprofessions a donc été modifié pour aboutir à la loi de juillet 1975.'C'est une belle loi qui fonctionne bien car ce sont les professionnels qui gèrent leur organisation, analyse Jérôme Agostini, directeur du CNIV (Comité national des interprofessions des vins d'appellation d'origine). Les pouvoirs publics donnent juste des outils et l'intervention de l'Etat est légère.' Les rôles, clairement définis, s'articulent autour de quatre points : la recherche et l'expérimentation, les informations économiques, la promotion et l'organisation de la filière (mise en réserve, etc.).Les principes de fonctionnement reposent quant à eux sur la représentativité de chaque famille professionnelle, l'équilibre paritaire et l'unanimité dans la prise de décision. Actuellement, le budget des interprofessions varie de 140 millions de francs pour Bordeaux à quelques millions (vins du Centre, floc de Gascogne, Savoie...). La grande majorité des dépenses sont allouées à la communication, suivie de très loin par les études économiques et la recherche technique.Parmi les nouvelles missions des interprofessions, le suivi de la filière en aval commence à prendre forme. Le suivi de la qualité de l'appellation dans les linéaires vise à prévenir d'éventuels dérapages. Le nom de l'appellation étant le principal critère d'achat, la responsabilité du patrimoine commun doit être collective. Les interprofessions réfléchissent au maintien ou à l'émergence de négociants importants et impliqués dans les régions viticoles.'La préservation d'une filière régionale est primordiale, précise Jérôme Agostini. Les opérateurs doivent avoir de gros intérêts financiers dans la filière régionale pour vraiment s'impliquer. L'interprofession doit faciliter leur fonctionnement. Il faut également réfléchir à une juste répartition de la valeur ajoutée. Si celle du négoce progresse, il pourra dégager suffisamment de moyens pour créer une marque. Les marques et les AOC ne s'opposent pas, au contraire. Les vignobles qui vont bien sont ceux qui ont quelques marques.'Après cinquante ans d'existence, le bilan des interprofessions est positif. Certains pays comme l'Italie, le Portugal ou l'Espagne s'en inspirent, avec une intervention de l'Etat plus marquée. Le seul point d'interrogation sur leur avenir venait de la Commission européenne car elle remettait en cause l'action de régulation des marchés. Cependant, la reconnaissance des interprofessions dans l'OCM du vin écarte ce danger.