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L'hygiène entre progressivement dans les chais

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

A la fin du XIXe siècle, l'hygiène déplorable des caves provoquait de nombreuses altérations des vins. Le sulfitage a permis de sélectionner la flore microbienne.

Vers le milieu du XIXe siècle, les vins se conservaient mal. Rares étaient les caves exemptes de cuvées plus ou moins altérées. Cette situation mettait en péril les exportations françaises. C'est pourquoi Napoléon III confia à Pasteur, en 1863, la recherche des causes de ces maladies. Muni de son microscope, il découvrit que des germes parasites étaient à l'origine de l'acescence, la tourne, l'amertume ou encore la graisse. Il trouva également le remède : chauffer le vin une minute entre 55 et 60°C. Quarante ans plus tard, le sulfitage prévaudra sur le chauffage.Les Romains utilisaient déjà l'acide sulfureux provenant de la combustion du soufre pour nettoyer la vaisselle vinaire. Dans le Bordelais, au XVIIIe siècle, on brûlait des mèches de soufre appelées allumettes hollandaises. Dans les années 1890, Bouffard montra l'intérêt du sulfitage pour enrayer la casse oxydasique et prévenir les effets de la pourriture. Cependant, Emile Peynaud considère, dans son ouvrage Le vin et les jours, que le progrès certainement le plus important de l'histoire de la vinification est le sulfitage des moûts ou des vendanges avant la fermentation. Cette initiative revient au Suisse Hermann Müller-Thurgau, à la fin du XIXe siècle.L'opération permettait notamment de sélectionner la flore microbienne 'au profit des ferments alcooliques vrais', écrivait en 1931 Jules Ventre, professeur d'oenologie à l'Enam (Ecole nationale d'agronomie de Montpellier). Autour de 1901-1902, l'usage de l'acide sulfureux se développe à la cuve. Jules Ventre est l'un de ses promoteurs. Les doses préconisées sur la vendange sont cependant excessives. Elles oscillent le plus souvent entre 10 et 25 g/hl, voire plus.En 1932, l'Italien Talvolta décrit l'effet antioxydant du SO2, mais c'est dans les années 60 que l'on comprit mieux sa chimie et les efficacités des formes libres et liées. Cette connaissance, associée à un meilleur dosage, à l'usage du froid, à la maîtrise de l'état sanitaire de la vendange, à l'utilisation de gaz neutres, aux filtrations serrées, à une hygiène plus rigoureuse, à l'emploi d'autres additifs... permit peu à peu de diminuer les doses de SO2.L'arrivée de l'acier inoxydable a joué un rôle important dans l'amélioration de l'hygiène. 'Son développement se fit en parallèle avec la prise de conscience de maîtriser les températures', explique Jacques Chabas, ancien directeur du Cemagref de Montpellier. A la chaudronnerie girondine Lejeune, on confirme : 'Après quelques installations dans les années 60, c'est à partir de 1975 et surtout dans les années 80 que l'usage de l'Inox se développe.' 'La Champagne et le Bordelais s'y sont mis les premiers, ajoute Pierre Guérin, un autre fabricant (Deux-Sèvres). C'est pour des raisons d'hygiène, de nettoyabilité et de présentation que l'Inox s'est développé.' Après avoir investi le cuvier, l'Inox est entré dans la composition de plus en plus d'équipements : remorque, conquet, pressoir, égrappoir... 'Depuis deux ou trois ans, la demande est forte pour remplacer les raccords mais aussi les robinetteries en bronze par de l'Inox', ajoute-t-on chez ARM (Gironde).L'acier inoxydable évolue. Après le recuit brillant, offrant moins de prises aux cristaux de tartre, le Sitévi sera l'occasion de découvrir un nouvel état de surface, présenté par Ugine (groupe Usinor). 'L'hygiène entre désormais en compte dans la conception des machines, explique Pierre Jacquet, consultant en ingénierie vinicole. Il ne doit plus, par exemple, y avoir d'angle aigu difficile à nettoyer. De même, les constructeurs d'érafloirs, après avoir travaillé sur les performances de leurs matériels, se font concurrence aujourd'hui sur la facilité de démontage, et donc de nettoyage des équipements.'Cependant, il faut bien reconnaître que l'oenologie a bien du retard sur l'hygiène par rapport aux autres secteurs de l'agroalimentaire, car les altérations microbiennes nuisent à la qualité du produit, pas à la santé du consommateur. Dans les caves, l'hygiène a pour but de préserver la qualité du produit, mais aussi d'éviter la présence de contaminants dans le vin (plomb, résidus de produits phytosanitaires, amines biogènes...) ou de débris solides. 'Il y a eu de gros progrès en vingt ans sur l'entretien de la cuverie et sur l'embouteillage, explique Jean-Yves Morard, de DiverseyLever. Cependant, d'autres restent à faire. L'Inox donne l'illusion de la facilité. L'hygiène, c'est du temps. En fromagerie, elle représente 50% du temps de travail. Lors des vinifications, on devrait avoir le même ratio.'Depuis quelques années, la société Martin Vialatte/Station oenotechnique de Champagne propose des bilans d'hygiène des caves. 'On ne donne pas toujours aux utilisateurs le temps pour faire les choses correctement et les procédures ne sont pas toujours adaptées, explique Christophe Gerland. Les rinceuses peuvent poser des problèmes. Parfois, le rinçage contamine les bouteilles dans les vieilles machines en batch. Il faut aussi prendre garde aux canalisations. Elles s'entartrent et le tartre devient un nid à micro-organismes.'Aujourd'hui, pour aider la filière à respecter la directive hygiène, entrée en application en 1996, un guide des bonnes pratiques d'hygiène est sorti. L'appliquer n'est pas une obligation. Mais cet outil servira de référence en cas de contrôles.

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