Dès son origine, l'embouteillage à la propriété ou dans la région de production s'est développé pour garantir au consommateur un vin authentique.
Dans 'Une histoire mondiale du vin', Hugh Johnson date l'invention de la bouteille moderne du XVIIe siècle. Elle fut d'abord adoptée en Hollande, puis en France au début du XVIIIe siècle.En France, les grands châteaux du Bordelais furent parmi les premiers à expédier leurs vins en bouteille. Ils avaient deux soucis : garantir l'authenticité de leur production et assurer sa conservation. Longtemps, le verre fut réservé aux grands crus en raison de son coût, des précautions qu'il fallait prendre lors du transport et de la lenteur de la mise en bouteille manuelle.Les embouteilleuses se sont répandues au cours de la seconde moitié de notre siècle. Deux types de contenants furent principalement employés : la bouteille de 1 l consignée et la bouteille de 75 cl. La première a pratiquement disparu du marché. 'En 1979, 55% des vins tranquilles consommés à domicile étaient embouteillés dans des bouteilles de 1 l consignées, rapporte Jean Stengel, responsable du marketing stratégique chez Saint Gobain emballage. En 1998, la part n'était plus que de 7%.' Cette évolution est un reflet direct de la chute de la consommation des vins de table. Le second contenant, réservé aux vins de qualité, a connu le même essor qu'eux. 'En 1979, 28% des vins consommés à domicile étaient en bouteille 3/4 verre, poursuit Jean Stengel. En 1998, le chiffre atteint 62%.'L'histoire récente est marquée par le développement de l'embouteillage dans les régions de production et dans les propriétés. Selon la CNCP (Confédération nationale des caves particulières), le nombre de producteurs qui embouteillent tout ou partie de leurs vins serait passé de 19 000 à 25 000 au cours des dix dernières années. Le motif est le même que celui qui avait conduit les pionniers bordelais à adopter la bouteille : satisfaire le besoin d'authenticité du consommateur. A cela s'ajoute la valorisation des vins.'Le point de départ de notre activité vient de la demande de nos différents acheteurs, explique André Guibal, directeur de production de l'embouteilleur Comodoc. Ils voulaient que le produit vienne de la propriété pour être certains de son origine.' Cette filiale du négociant Jeanjean, dans l'Hérault, a démarré son activité en 1978. Avec 29 millions de cols tirés cette année, elle se présente comme le leader sur son secteur d'activité dans le Languedoc. 'Pour répondre à la demande, nous avons acheté un camion tous les deux ans', ajoute André Guibal. Le Languedoc est parti de loin : lors du recensement général agricole de 1988, moins de 8% des volumes mis en marché par les producteurs étaient tirés bouchés.A la même époque, leurs confrères alsaciens vendaient près de 60% de leur récolte en bouteille. Cette région, à la différence des autres, a bénéficié d'un cadre réglementaire. L'AOC ne peut être embouteillée que dans le Haut-Rhin ou dans le Bas-Rhin en vertu d'une loi votée en juillet 1972. 'Les producteurs reprochaient aux entreprises extérieures à la région d'utiliser leur vin comme vin de coupage pour rehausser des productions plus banales, rappelle Jean-Louis Vézien, directeur de l'interprofession. Pour mettre fin à ces pratiques, ils ont demandé au parlement de voter une loi.'Les Alsaciens l'ont obtenue. Régulièrement, l'acquis qu'ils partagent avec la Rioja en Espagne était contesté par des embouteilleurs d'Europe du Nord. Il ne semble plus aujourd'hui devoir être remis en cause. La pression des acheteurs est tellement forte qu'elle conduit, en dehors de toute réglementation, à la mise en bouteille dans la région d'origine. En Bordelais, on estime ainsi que 90% des vins sont embouteillés sur place. Aujourd'hui, ce sont les consommateurs qui l'exigent, à la plus grande satisfaction des producteurs, car c'est ainsi qu'ils valorisent le mieux leurs vins.