Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1999

Syndicats, l'union a structuré la filière

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

La filière viticole est l'une des plus structurées qui soient. Cette organisation, née et construite sur des crises, est à la base du succès des vins français.

Le monde viticole a réussi un exploit : encadrer l'action d'opérateurs individualistes dans un réseau de structures collectives. C'est ainsi que Philippe Feneuil, président de la Cnaoc (1) et de l'AGPV (2), présenta la filière à l'OIV (3), en juillet, à Mayence (Allemagne). Cette structuration est née dans la crise phylloxérique. A l'aube du XXe siècle, la destruction du vignoble engendre des pratiques frauduleuses pour augmenter la quantité de vin. Les abus de dénominations se multiplient. Dès 1900, les vignerons de Chablis se regroupent pour lutter contre l'usurpation de leur nom par des producteurs d'Espagne.La pénurie de produit suscite l'apparition de boissons qui n'ont de vin que le nom. Jean-François Gautier, juriste et historien, raconte dans Le vin à travers les âges comment les 'fabricants de vins' ont inondé le marché de succédanés réalisés à partir d'eau de raisins secs. Ces pratiques expliquent le vote de lois antifraudes : on définit le vin comme la boisson provenant 'exclusivement de la fermentation de raisins frais ou de jus de raisins frais' (1889 et 1907) ; on sanctionne les tromperies et falsifications (1905) ; on instaure un service chargé des fraudes (1907) ; on jette les bases du système des appellations d'origine (1919).Parallèlement à cet arsenal, la profession s'organise. Les vignerons manifestent contre la chute des prix et les fraudes. Utilisant la loi Waldeck-Rousseau, ils se constituent en syndicat. L'un des premiers voit le jour à Saint-Emilion dès 1884.En 1913, la Fédération des associations régionales de France est créée. Quarante ans plus tard, elle donne naissance à la FAV (4), dont l'incarnation actuelle est l'AGPV. Celle-ci regroupe, depuis 1994, les composantes nationales de la production: CCVF (5), Cnaoc, CNCP (6), FNAOVDQS (7), CFVDP (8).Réglementation antifraudes et syndicalisme sont deux pierres sur lesquelles repose l'édifice des vins français. La construction du système n'est qu'une suite de réponses aux demandes du marché. Les promoteurs des AOC, avec Joseph Capus, ont su tirer les enseignements des imperfections des premières lois du XXe siècle pour parvenir au décret-loi du 30 juillet 1935. 'Juridiquement, les vins d'alors, qui n'étaient pas des AOC, étaient des vins de consommation courante, explique Jean-François Gautier. Pour y remédier, on créa une catégorie intermédiaire.' C'est ainsi que sont nés les VDQS, qui viennent de fêter leurs cinquante ans.La genèse des vins de pays est similaire. Jean Huillet, président de la CFVDP explique : 'Avant les années 70, deux types de vins coexistaient : les appellations, qui répondaient à la demande de la classe aisée, et le vin de table, boisson du travailleur. La société ayant évolué avec l'émergence d'une classe moyenne, il fallait un vin correspondant aux nouveaux modes de consommation.'Aujourd'hui, la filière peut s'enorgueillir de ses performances. Lors d'un colloque, en mars, à l'Assemblée nationale, les intervenants ont rappelé le poids de la profession : 170 000 chefs d'exploitation, 992 000 ha de vignoble, plus de 60 milliards de francs (MdsF) générés annuellement. Sur cinq ans, avec 22% de la production mondiale, la France se situe derrière l'Italie (23%). A l'exportation, les AOC vitivinicoles ont représenté plus de 33 MdsF l'an passé. En volume, la progression des VDP vers les pays tiers est spectaculaire, passant de 266 000 hl en 1992 à 1,2 million d'hl en 1997.Pour l'instant, le succès ne semble pas 'monter à la tête'. Les syndicats se sont attelés à de nouveaux travaux. Les appellations ont lancé, voici trois ans, un vaste chantier en deux volets : d'une part, 'Agrément 2000', avec l'Inao (9), dont l'objet est de verrouiller la partie en amont de l'agrément ; d'autre part, le 'Suivi aval de la qualité', avec les interprofessions, dont le but est de suivre les produits jusqu'à leur commercialisation. De leur côté, les VDP travaillent, au sein de l'Onivins, au dépoussiérage du décret du 4 septembre 1979, texte de base de leur réglementation.La prochaine bataille que tous s'engagent à livrer est celle de l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Sur ce sujet, la viticulture française et, plus largement, celle du Vieux Continent devront se montrer unies. 'Je me sens plus proche des vignerons italiens que des business men du vin californien', remarque Philippe Feneuil. Propos partagés par Jean Huillet, qui note 'qu'il existe une vraie civilisation du vin dans la plupart des pays européens alors qu'il y a de quoi s'inquiéter de la conception quasi industrielle que les pays du Nouveau Monde ont de la viticulture'.(1) Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées.(2) Association générale de la production viticole.(3) Office international de la vigne et du vin.(4) Fédération des associations viticoles.(5) Confédération des coopératives vinicoles de France.(6) Confédération nationale des caves particulières.(7) Fédération nationale des appellations d'origine vins délimités de qualité supérieure.(8) Confédération française des vins de pays.(9) Institut national des appellations d'origine.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :