Les produits oenologiques ont longtemps été utilisés de façon curative. Aujourd'hui, on privilégie la prévention, mais peut-être encore de façon trop systématique.
Les progrès de l'oenologie nous permettent aujourd'hui d'expliquer des phénomènes observés autrefois dans le vin sans les comprendre. Grâce à cela, les produits oenologiques agissent de façon plus ciblée et sont utilisés avec davantage de discernement, estime un oenologue.L'ajout de produits n'a rien de récent et, de tous temps, on a utilisé les moyens du bord pour améliorer la conservation ou masquer les mauvais goûts du vin. Mais les produits changent et la façon de les utiliser aussi.En comparant les produits oenologiques d'aujourd'hui à ceux utilisés il y a un siècle, on note deux évolutions essentielles. D'une part, les additifs exogènes perdent du terrain au profit de produits que l'on trouve naturellement dans le raisin ou le moût. 'Avec les enzymes ou les activateurs de fermentation par exemple, on se contente de renforcer le métabolisme normal du raisin ou des levures', observe un distributeur. Autre tendance, le passage d'une oenologie curative à une oenologie préventive. En effet, la plupart des interventions effectuées sur le vin autrefois avaient pour objet de corriger un défaut.'L'oenologie préventive a commencé avec l'emploi de l'Inox dans les caves pour éviter de trouver du fer dans les vins. Aujourd'hui, on n'utilise presque plus de ferrocyanure. L'acidification et la désacidification, qui étaient des pratiques courantes, sont maintenant mieux maîtrisées par le choix de la date de vendange et le meilleur état sanitaire du raisin. Autre exemple : la moindre trituration des marcs lors du pressurage qui permet de diminuer les doses de bentonite.'Alors, utilisons-nous plus ou moins de produits oenologiques que nos grands-parents? 'La question ne se pose pas en ces termes, estime un oenologue. Nous les utilisons mieux en choisissant le bon produit au bon moment.' Mais là encore, des progrès restent à faire car à vouloir trop prévenir, on finit par intervenir de façon systématique. Certains dénoncent les oenologues, à la fois médecins et pharmaciens, et leurs ordonnances à rallonge, surtout dans la période économique plutôt favorable traversée par la filière. D'autres renvoient la balle aux producteurs qui veulent s'entourer du maximum de précautions pour être sûrs de livrer tel vin à telle date, faute de quoi ils peuvent perdre le marché.'On distingue d'ailleurs deux modes d'utilisation des produits oenologiques bien distincts selon les marchés', remarque un vendeur. Pour les vins de marque, de table ou de cépage, il faut un vin standard de qualité stable et les produits oenologiques apportent une garantie évidente. Pour les vins plus haut de gamme, la tendance est à l'utilisation du moins d'additifs possible. Et, pour aller dans le sens d'une utilisation raisonnée de produits, il faut développer les outils analytiques et les tests prédictifs permettant de savoir s'il faut, ou non, intervenir avec tel ou tel produit.Cela rappelle évidemment la lutte raisonnée qui se développe au vignoble. Actuellement, on peut, par exemple, faire doser la quantité d'azote assimilable du moût pour savoir si un ajout d'activateur de croissance est utile. D'autres tests devraient suivre.Les produits sont aussi plus ciblés. Prenons l'exemple des levures. Il y a un siècle, on utilisait des levures sélectionnées dans les grands vignobles pour améliorer la qualité du vin et son aptitude à la conservation. Mais, déjà, on insistait sur le fait qu'utiliser des levures Médoc ou Chablis ne signifiait pas qu'on allait pour autant produire du bordeaux ou du bourgogne.Il y a encore vingt ans, on s'intéressait surtout aux capacités fermentaires des levures, puis on a commencé à se pencher sur leurs actions secondaires sur les arômes ou la structure du vin. Les sélections se sont faites de plus en plus fines par région et type de produit. A tel point qu'aujourd'hui, il n'est pas déraisonnable d'imaginer qu'un domaine ou un château puisse bientôt avoir sa souche.Du côté des colles, certains fabricants cherchent à s'affranchir des matières premières animales pour éviter de se trouver dans la tourmente lorsqu'arrivent des scandales comme la vache folle ou la dioxine. D'autres se contentent d'apporter les certificats de conformité qu'on leur demande... Quant aux produits de demain ou d'après-demain, ils seront génétiquement modifiés ou issus d'OGM. 'Nous nous orientons vers des produits spécifiques permettant de cibler une action sur un marché donné, constate un chercheur. Cela permettra aussi de limiter considérablement l'utilisation de produits chimiques. Une levure produisant du glycérol peut supprimer l'emploi de gomme arabique, par exemple.'