Installés en Avignon au XIVe siècle, les papes font honneur aux vins français que l'axe fluvial Saône-Rhône peut facilement acheminer dans leurs celliers.
A la cour des papes, deux services s'occupent du vin : la bouteillerie, chargée de fournir au pontife et aux cardinaux les meilleurs vins de l'époque ; l'aumônerie qui achète des vins plus ordinaires pour rafraîchir les pèlerins et les pauvres se présentant à la porte du palais. Ces vins sont achetés de préférence sur place ou dans des vignobles aisément accessibles. Cela explique que les vins de Bordeaux n'aient pas trouvé leur débouché en Avignon. Dès que le pape se déplace en France, il fait honneur aux vins locaux. A Poitiers, il boit des vins de l'Angoumois et du Poitou ; à Toulouse, des vins de Pamiers. En Avignon, les vins locaux sont plus nombreux : beaucaire, bédarrides, châteauneuf, lunel, nîmes, noves, saint-esprit (Pont-Saint-Esprit), saint-gilles.Le vin de Beaune apparaît en cadeau en 1319, mais la bouteillerie n'en achète qu'à partir de 1330, en même temps que du vin d'Arbois. En 1341, arrive le vin de Saint-Pourçain, apporté par charroi jusqu'à la Saône. Au temps de Clément VI, d'Innocent VI et pendant une partie du pontificat d'Urbain V (1342 à 1366), il ne se passe pas d'années sans que des achats soient faits à Saint-Pourçain, à Beaune, à Givry ou aux environs, par des acheteurs chargés de goûter les vins, de les apprécier à leur juste prix et de fixer les conditions du transport. Avant de rentrer à Rome en 1367, Urbain V fait planter une vigne de cépages des côtes du Rhône dans son verger d'Avignon afin de continuer à déguster son vin en Italie.Les vins de Saint-Pourçain étaient expédiés par terre jusqu'à Chalon-sur-Saône (175 km) tandis que ceux de Beaune et de Givry étaient rassemblés à Chauvort, au confluent de la Saône et du Doubs. Des fûts supplémentaires étaient prévus pour l'ouillage des tonneaux et pour la consommation des bateliers. Il fallait prévoir large car l'inclémence du temps retardait parfois le départ des bateaux. En 1349, les inondations de la Saône arrêtèrent toute navigation pendant 70 jours.On charge environ 150 à 200 hl par bateau et il faut compter, en période normale, 17 jours pour avaler de Chalon à Avignon ; il faut aussi acquitter vingt-six péages et patienter pendant les périodes de maigre de la rivière. En 1363, les eaux du Rhône sont si basses qu'un bateau s'échoue en aval de Pont-Saint-Esprit. Pour éviter ces accidents, la flottille de 1375 s'allège devant Beauchastel, Cruas et Bourg-Saint-Andéol.Il nous est impossible d'apprécier la qualité de ces vins dont on ne connaît même pas la couleur. Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'à une époque où on ne soucie guère du millésime puisque les vins sont bus dans les mois qui suivent la vendange, les comptes des papes mentionnent des vins blancs et clairets de Beaune sans qu'on puisse en connaître la quantité et la provenance exactes. Des prix différents, payés à des producteurs d'un même vignoble, font penser à des qualités variables, sans que les achats d'une année sur l'autre permettent de distinguer des crus locaux.Les quantités de vins de Bourgogne achetées par la bouteillerie varient d'une année à l'autre : 272 hl en 1343, 576 hl en 1353, 152 hl en 1355, 168 hl en 1360 et 1371, 854 hl en 1375. Quant aux vins de Saint-Pourçain, ils représentent 60 à 120 hl par an. A ces quantités réellement payées, il faut ajouter les dons effectués par les grands seigneurs. Les vins locaux, moins renommés à l'époque, tiennent une place plus importante. Un inventaire de cellier pontifical, effectué le 20 décembre 1347, dénombre 100 fûts de Beaune et de Saint-Pourçain, 18 fûts de vins divers et rares, 312 fûts du bas Rhône.C'est le vin de Saint-Pourçain qui revient le plus cher. Son prix double entre le lieu de production et Chalon en raison du transport terrestre. De Beaune, le vin augmente encore de 50%. Rendus au moins trois fois le prix des meilleurs crus du bas Rhône. Transport et péages exclus, le vin de Beaune est payé le plus cher dans les lieux de production.