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Bien maîtriser l'oxygène dissous

La vigne - n°105 - décembre 1999 - page 0

Les prises d'air sur les lignes d'embouteillage sont pratiquement inévitables. Leurs incidences sur la qualité du vin dépendent de la sensibilité des cépages à l'oxydation. Elles ne sont pas négligeables.

Le conditionnement en bouteilles est une étape importante dans la vie du vin. Par la suite, il n'y a plus d'action corrective possible jusqu'à sa consommation. Si les paramètres concernant la stabilité physico-chimique et microbiologique du vin sont largement pris en compte, il en est un dont on pressent l'importance, sans pour autant le maîtriser totalement, celui de l'oxygène dissous.Plusieurs mesures d'oxygène, réalisées sur différents sites d'embouteillage, montrent que les vins tranquilles sont conditionnés avec des teneurs en oxygène de plusieurs milligrammes par litre, le plus souvent, entre la saturation et la mi-saturation en oxygène.Après embouteillage, les vins présentent souvent la 'maladie de la bouteille', période de quelques semaines durant laquelle leur profil aromatique est momentanément perturbé. Ensuite, ils retrouvent leur typicité. Cette période s'accompagne d'une baisse du SO2 libre et de la teneur en oxygène dissous qui tend vers zéro.Différents travaux ont utilisé l'oxydation des sulfites en sulfates pour apprécier l'oxygène disponible. Ce phénomène d'oxydation est connu et se produit aussi à l'embouteillage. Dans la pratique, il est conseillé de rajouter des doses d'autant plus élevées de SO2 que l'on va dissoudre de l'oxygène.De par sa conception, le poste de tirage offre plusieurs possibilités de contact entre le vin et l'air. Prenons l'exemple de notre propre installation. La tireuse, de type gravitaire, fonctionne sous légère dépression. La pression d'air se situe entre 20 et 80% de la pression atmosphérique, ce qui laisse encore beaucoup d'oxygène. Cet oxygène pourra se dissoudre dans le corps de la tireuse ou lors du remplissage, lorsque sa pression est préalablement équilibrée avec celle de la tireuse. En amont, un système d'inertage des bouteilles est composé d'une tête mobile, unique, venant s'appliquer sur le col de la bouteille. Elle crée alors un vide dans celle-ci puis injecte un gaz neutre pour revenir à la pression atmosphérique. Les différentes mesures montrent que ce système d'inertage, qu'il utilise de l'azote, de l'argon ou du dioxyde de carbone, ne permet pas de réduire significativement l'oxygène dissous, même avec des apports de gaz très élevés.L'introduction du bouchon est faite après un vide poussé. La pression absolue dans le goulot descend autour de 20% de la pression atmosphérique. Mais juste après l'embouteillage, on revient approximativement à la pression atmosphérique du fait de la compression exercée par l'introduction du bouchon. Pour un ciel gazeux de 2 cm de haut, on a introduit l'équivalent de plus de 2 mg/l d'oxygène!La sensibilité des vins à l'oxydation dépend des cépages dont ils sont issus. Des essais ont été menés sur chardonnay et sauvignon, le premier choisi pour sa résistance à l'oxydation, le second pour sa sensibilité. Les vins venaient de deux cuves du domaine d'Aubian, géré par Skalli-Fortant de France. Ils ne renfermaient pas d'oxygène dissous. Quatre modalités de conditionnement par cépage ont été déterminées : pas d'oxygène dissous, demi-saturation, saturation en oxygène et saturation en oxygène avec rajout d'une dose de SO2 calculée pour contrecarrer l'effet de l'oxygène apporté. Les vins ont été analysés au bout d'un an. Bien qu'environ la moitié du SO2 libre se soit combinée dans tous les cas, la modalité sans oxygène présentait pour les deux cépages une teneur plus élevée en SO2 libre. La couleur est protégée par l'absence d'oxygène dissous. L'action du SO2 comme facteur correctif a été importante pour le chardonnay, mais insuffisante dans le cas du sauvignon.L'analyse sensorielle confirme que les vins embouteillés sans oxygène sont les mieux perçus. Les deux vins de chardonnay jugés les plus typiques sont obtenus, soit sans oxygène, soit avec ajout de SO2. Ce dernier est toutefois plus lourd, avec un arôme plus évolué. Les deux sauvignons les plus typiques sont ceux ayant reçu le moins d'oxygène à l'embouteillage. Pour ce cépage, l'apport de SO2 s'est encore révélé insuffisant.Après un an en bouteilles, les vins obtenus selon différentes modalités d'oxygénation à l'embouteillage sont très différents. De nouvelles connaissances doivent être acquises avec d'autres vins (blancs, rosés, rouges) sur les conséquences de teneurs plus ou moins fortes en oxygène lors de l'embouteillage. Ceci n'est possible que si l'on dispose d'une chaîne de conditionnement permettant de maîtriser la dissolution d'oxygène à des seuils préalablement définis, ce qui n'est pas actuellement le cas.Cette dissolution doit être mieux prise en compte aujourd'hui. Il appartient aux opérateurs d'identifier les manipulations de vins qui conduisent à dissoudre de l'oxygène. Constructeurs et instituts de recherche doivent être en mesure de proposer des matériels de conditionnement éliminant tout contact entre vin et oxygène et préciser pour quels types de vins l'oxygène est vraiment indésirable lors de l'embouteillage.

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