La crise économique asiatique n'a pas épargné la filière du vin en Corée du Sud. Majuang, seul opérateur du pays, entend relancer la production locale en dépit de la concurrence des vins étrangers.
Totalement inconnue du reste du monde, la filière du vin coréenne, créée dans les années 70, a failli disparaître, emportée par la crise financière asiatique de 1997. 'Nos ventes ont diminué de moitié et les vins nationaux, plus chers que les premiers prix étrangers, ont souffert', révèle I. B Goo, le manager de la winerie de Kyungsan, laquelle appartient à Majuang, la seule société coréenne de négoce de vins à poursuivre une production locale.
Cette pérennité tient, pour ainsi dire, à une intervention divine. En effet, l'épiscopat coréen a insisté pour que le vin de messe utilisé soit d'origine locale. Un débouché loin d'être négligeable car, fait rare en Extrême-Orient, environ un quart de la population est chrétienne et Majuang écoule par ce biais autour de 130 000 cols par an: 70% de blancs et 30% de rouges, auxquels s'ajoute un autre blanc, 100% coréen, diffusé dans le commerce, le kabinett. Mais la production de ce dernier est restreinte (12 000 bouteilles par an). 'Nous avons deux handicaps, explique I. B Goo. D'un côté, le vin produit ici est taxé à 34%, contre 15% pour les importations; de l'autre, pour le milieu ou le haut de gamme, de nombreux consommateurs privilégient les crus étrangers pour l'image de marque.'
Solution intermédiaire, Majuang utilise aussi la production locale pour réaliser des assemblages avec des vins étrangers, dans des proportions voisines de 50/50, 'afin d'avoir des crus d'un prix raisonnable mais adaptés au goût des Coréens qui apprécient les vins légers', indique-t-on. Cette production conduit généralement à l'importation de 10 000 hl de blancs et 3 000 hl de rouges par an, essentiellement du moselle allemand et du cabernet-sauvignon de Bordeaux. Au final, des bouteilles ne sont pas identifiées comme des vins coréens.
Le kabinett, les vins de messe ou ceux utilisés pour les assemblages sont issus des deux mêmes cépages, dénommés localement le muscat-bailey A, un rouge, et le seibel, un blanc. En Corée, le climat est particulier. Des hivers rigoureux et des étés très chauds (35°C) concentrent l'essentiel des 800 à 1 000 mm de précipitations annuelles, d'où des maladies liées à l'humidité, telle que la pourriture.
Les rendements se situent entre 13 et 16 t/ha. Le prix pour la qualité standard oscille autour de 4,50 F/kg.
'A une époque, Majuang possédait 180 ha de vignoble, mais les accords de l'Uruguay Round ont entraîné une forte diminution du prix des vins importés et nos dirigeants ont alors opté pour la solution actuelle', précise I. B Goo. Cette décision s'est avérée facile à mettre en oeuvre car ces mêmes accords ont poussé de nombreux agriculteurs a abandonné le riz pour le raisin (de table et de cuve) qui couvre aujourd'hui autour de 30 000 ha. Il n'existe pas de statistiques officielles précises et la Corée du Sud n'est pas membre de l'Office international de la vigne et du vin.
Cependant, les dirigeants de Majuang veulent se doter à nouveau d'un vignoble et les premières plantations auront lieu cette année. Pourquoi cette décision alors que les vins étrangers de qualité égale sont moins chers? 'Pour notre image de marque et pour perpétuer des vins qui ont toujours été appréciés par les consommateurs, répond I. B Goo. De plus, Majuang étant une marque coréenne, il serait incongru de n'avoir que des vins étrangers dans notre gamme.' Cette démarche s'inscrit dans la stratégie de l'Etat pour sortir de la crise, l'un de ses slogans favoris étant 'Achetez coréen'. Les circonstances sont favorables, les importations de vins ayant rebondies de près de 50% sur le premier semestre 1999, à 20 000 hl.
La winerie dispose des installations adéquates pour reprendre une production significative: sa capacité de stockage est de 110 000 hl et celle d'embouteillage de 43 000 cols/jour. L'équipement est surtout importé d'Allemagne, excepté le pressurage (Bucher) ou les cuves thermorégulées de fabrication coréenne. Assemblages et vinifications sont conduits par I. B. Goo. Diplômé en chimie alimentaire, il a appris le métier à travers des stages autour du monde et au contact de ses prédécesseurs qui ont été formés en Allemagne.
La fermentation se fait à 15-18°C pour les blancs, 20-22°C pour les rouges. Au final, nous avons des vins d'environ 11° commercialisés au bout de deux à trois ans. Ces crus, sortie usine, reviennent à 15 F et se retrouvent en magasin à 40 F alors que les premiers prix étrangers se vendent 22 à 30 F.