Dans le Beaujolais, les vignerons affichent une tendresse particulière pour les années en '9', généralement porteuses de bons millésimes. 1999 ne déroge pas à la règle. Ce beau millésime s'accompagne d'une stabilité des cours, conformément aux accords passés entre les négociants et la viticulture le 28 mai. Le cours moyen du beaujolais se situe à 2 500 F la pièce, soit 1 157 F/hl, et celui du beaujolais villages est à 2 720 F la pièce, soit 1 264 F/hl. La région n'a pas renoué avec le scénario catastrophe de 1998 à la suite de la vente des primeurs. La pièce de beaujolais villages avait alors vu son prix progresser de 300 à 600 F en quelques mois, avec des pertes de marché à la clé.
Depuis le début de la campagne 1999-2000, ce vignoble semble avoir vaincu l'un de ses vieux démons: l'alternance des prix hauts et des prix bas, difficile à gérer commercialement. Reste à savoir si cette politique de stabilité perdurera...
Outre les accords de mai 1999, l'interprofession a favorisé le maintien des cours par l'accroissement des volumes destinés aux vins primeurs. Pour le beaujolais générique, le rendement alloué aux primeurs est ainsi passé de 45 à 50 hl/ha (sur les 65 hl/ha autorisés), celui du beaujolais villages restant à 35 hl/ha. Cette mesure 'pompier', comme la qualifie Michel Déflache, directeur de l'interprofession, a été décidée en octobre à la vue des grosses commandes de vins primeurs. Parmi les autres contre-feux envisagés par la profession, la réflexion sur la réserve qualitative poursuit son chemin, en s'inspirant des autres régions viticoles. Ce projet consisterait à bloquer du vin les années qui allient la qualité et la quantité en prévision de faibles récoltes.
Toujours dans l'optique d'une maîtrise des cours, l'UVB (Union viticole du Beaujolais) ne demande pas de nouvelles plantations, malgré de nombreux hectares en appellation non plantés. En revanche, certaines parcelles pourraient bénéficier de plantations anticipées à partir de 2001, sous réserve de l'accord de l'Inao sur le principe. 'Notre vignoble affiche un taux de renouvellement de 0,5%, explique Marc Le Brun, président de l'UVB. C'est beaucoup trop faible.'
Si le sujet des plantations ne divise pas le vignoble, celui de la machine à vendanger est particulièrement sensible. Rappelons que son utilisation est aujourd'hui interdite dans ce vignoble, comme en Champagne. Des essais sont menés depuis 1996, sur une surface initiale de 25 ha, qui est passée à 50 ha dès 1997. En 1999, ce sujet passionnel a alimenté bien des discussions. Lors des dernières vendanges, une commission nationale de l'Inao est venue observer la récolte le 15 septembre, puis déguster des vins issus de vendanges manuelle et mécanique le 18 octobre. Le comité national de l'Inao devrait donner son avis en février prochain.
Mais la décision finale reviendra à l'UVB, où les avis restent partagés. La difficulté de former une équipe de vendangeurs, son coût (qui s'élève aux environs de 10 000 F/ha) et les contraintes d'hébergement militent en faveur de la machine. D'autant qu'avec le bon réglage d'une machine à vendanger conduite à vitesse modérée, les baies ne seraient pas plus abîmées qu'avec une vendange manuelle. Mais une mauvaise utilisation de la machine semblerait conduire à des résultats inférieurs à ceux de la vendange manuelle.
L'éventuelle autorisation des machines à vendanger ne concernerait que les terrains plats adaptés à la mécanisation. Ce qui exclut une grande majorité des crus et des beaujolais villages. A ce jour, il demeure quelques points d'interrogation non élucidés, comme le comportement des vignerons en cas de vendanges tardives et les incidences sur la qualité des vins primeurs. Ces derniers doivent en effet être embouteillés au plus tard fin octobre.
Dans le cas d'une vendange tardive, les raisins présentent une plus forte acidité qui allonge la fermentation malolactique. Les raisins récoltés mécaniquement effectueront-ils leur fermentation au même rythme que les autres ou plus lentement? Les vignerons, pressés de rentrer leurs vendanges, prendront-ils le temps de ne pas brusquer la récolte mécanique avec une vitesse inadaptée? Enfin, l'image du vignoble sera-t-elle affectée par la présence de machines à vendanger?
Pour enrichir leur réflexion, des membres de l'UVB consultent les vignerons de Gaillac, qui élaborent également des primeurs avec une récolte mécanique, ainsi que les vignerons du Val de Loire qui récoltent du gamay à la machine. En Beaujolais, l'éventuelle autorisation de la machine à vendanger impliquerait la modification du décret d'appellation qui stipule, depuis 1985, l'obligation de vinifier avec des raisins entiers. Pour les opposants à la machine, l'éventuel abandon de la macération carbonique serait très préjudiciable à la qualité des vins primeurs, qui représentent 40% du marché.
L'autre grand dossier de ce vignoble se situe beaucoup plus en aval, avec des initiatives touchant au tourisme dans le pays du Beaujolais. L'interprofession s'investit sur ce sujet en participant à la charte des terroirs de la région Rhône-Alpes.
Dès le printemps 2000, des hôtels-restaurants, des caveaux ou encore des chambres d'hôtes - qui expriment le terroir du Beaujolais par une recette, une dégustation, etc. - pourront être certifiés par un organisme extérieur, comme le sont les entreprises agroalimentaires. Le pays du Beaujolais compte également lancer la carte d'hôte, en s'inspirant de la Suisse et de l'Allemagne. Cette carte sera délivrée à tous les résidents temporaires hébergés en Beaujolais, en contrepartie d'une taxe de séjour (2 à 7 F). Elle leur donnera accès à un certain nombre d'avantages comme un apéritif gratuit, l'accès à une salle de musée habituellement fermée ou encore une visite d'exploitation. La taxe de séjour devrait générer un chiffre d'affaires de plus de 2 millions de francs qui sera affecté à l'entretien des chemins de randonnées ou autre 'outil' touristique.
Par ailleurs, le vignoble du Beaujolais, ainsi que les villes et les sites présentant un intérêt particulier, devraient être signalés le long des autoroutes A6 et A46. Ces initiatives devraient favoriser l'essor de la vente directe, qui vient d'atteindre le cap des 15%. Encore une bonne nouvelle.