Il est indispensable que les vignerons prennent conscience de la nécessité de restructurer le vignoble. Car si nous n'arrivons pas rapidement à adapter l'offre à la demande, le marché se chargera de faire la restructuration et ce sera beaucoup plus douloureux, observe un responsable. L'énoncé du problème est simple: le potentiel de production est très supérieur aux débouchés actuels - et probablement futurs - du cognac.Considérons par exemple les 320 000 hl d'alcool pur (AP) qui devraient être distillés sur la campagne en cours. Rapportés à la quantité normalement vinifiée (QNV) qui est de 6 hl AP/ha, cela correspondrait à la production de 53 000 ha. Or, il y en a 80 000 dans les deux Charentes! Prenons le problème différemment en répartissant les 320 000 hl AP sur les 80 000 ha. Cela signifie que chacun ne pourrait produire que 4 hl AP/ha, une quantité insuffisante pour en vivre.Pour faire face à cette situation, de nombreux vignerons se sont engagés dans une course aux volumes, cherchant à compenser la perte financière liée à la restriction du cognac par une production plus importante et une multiplication des débouchés au détriment de la qualité. En effet, il faut savoir que le rendement n'est pas limité et que le dépassement de QNV peut être valorisé comme jus de raisin, vin de base pour mousseux... Mais l'avenir de la région ne passe pas par cette surenchère peu rémunératrice, les responsables professionnels sont d'accord sur ce point. De plus, après plusieurs années de stabilité, les prix d'achat des vins blancs destinés au cognac ont chuté de 12 à 15%. Ainsi, après avoir réduit les achats en volume, le négoce baisse les prix. Un scandale dénoncé par certains syndicats de producteurs. Un mal nécessaire pour d'autres, estimant que 'dans le contexte mondial ultra-concurrentiel, c'est une façon pour les marques de faire participer les vignerons aux efforts de promotion'...Alors que faire pour retrouver une situation d'équilibre? Développer le marché bien sûr, mais surtout repenser la viticulture charentaise. La solution de l'arrachage des surfaces excédentaires n'a pas fonctionné, malgré des primes élevées. 'Les vignerons pensent que cette crise passera comme les précédentes. Alors ils font le dos rond et attendent des jours meilleurs, constate un responsable. Mais attention à ne pas trop attendre, car une fois qu'on a touché le fond, il est trop tard pour commencer à se battre.'La solution qui semble s'imposer est la diversification qui permettrait par exemple de produire davantage de vins de pays charentais. En janvier 1999, un service d'utilité agricole pour la diversification de la viticulture des deux Charentes a vu le jour pour aider les vignerons dans leurs démarches. L'objectif est de les inciter à arracher des surfaces en ugni blanc pour planter un certain nombre de cépages rouges ou blancs non distillables, destinés à la production de vin de qualité. L'idéal serait de réencépager 10 000 ha mais au rythme actuel, il faudra une quinzaine d'années.Pour la première campagne (1998-1999), 310 ha ont été restructurés sur les deux départements charentais, dont les deux tiers vers des cépages rouges, merlot et cabernet sauvignon en tête. On espère atteindre 700 ha restructurés pour la campagne 1999-2000.Un processus très lent comparé à l'ampleur du problème, mais en même temps une véritable révolution culturelle. 'Cette diversification suppose une réflexion, nouvelle pour certains, sur la conduite de la vigne dans une optique moins productiviste et plus qualitative. Il faut aussi pour la plupart accepter d'intégrer une structure collective: coopérative, Sica ou autre, et de mener à plusieurs la vinification et la commercialisation. Globalement, on demande aujourd'hui aux vignerons de travailler plus en gagnant moins, avec un produit qu'ils considèrent comme moins noble. Alors forcément, ils ont du mal à s'y mettre', constate un responsable. Outre les aides financières à la diversification, de nombreuses cessions de formation gratuites sont proposées pendant l'hiver aux vignerons pour les aider dans la reconversion de leur vignoble. Certains stages aident à la conception d'un projet de diversification, d'autres traitent des choix techniques lors de la plantation, qui permettront d'obtenir des vins de qualité...Toujours dans l'optique de la diversification, certains producteurs se sont orientés vers les vins mousseux et souhaiteraient qu'une appellation Crémant voit le jour dans les Charentes.Le BNIC (Bureau national interprofessionnel du Cognac) met en place, pour la campagne en cours, un système d'engagement d'affectation de la QNV. A l'intérieur de cette quantité, les producteurs devaient déclarer avant le 15 janvier les volumes affectés à la production de cognac, de pineau des Charentes ou de vin de pays. 'On souhaite éviter que les producteurs n'interviennent de façon opportuniste sur tel ou tel marché et les inciter à prévoir ce qu'ils vont faire de leur récolte.'Par ailleurs, les contraintes techniques ne sont pas les mêmes selon la destination choisie. Pour produire un vin de pays, il faut respecter un degré minimum. Pour faire du cognac, en revanche, il n'existe pas de relation démontrée entre degré du vin et qualité du cognac, au contraire.On parle aussi beaucoup d'une AOC Cognac qui redescendrait jusqu'au produit de base qu'est le vin, afin de mieux contrôler les conditions de production. La création d'un syndicat de défense de l'appellation regroupant les différentes organisations de producteurs est d'ailleurs en projet.Pour améliorer la situation, l'autre piste est de trouver de nouveaux débouchés. Le collège viticole représenté à l'interprofession a ainsi reconduit pour la campagne 1999-2000, le principe d'un prélèvement supplémentaire de 20 F/hl AP destiné à augmenter le budget de communication sur le marché français. Ce créneau a été choisi car il est peu occupé par le négoce et plus accessible pour un vigneron souhaitant vendre en direct. Or, ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas. On verra donc prochainement sur les murs une nouvelle déclinaison de la campagne de communication autour du cognac apéritif. Un autre volet concernera les restaurateurs et les barmans, et des actions sont prévus en grande distribution.