Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2000

Mémoire de la vigne

La vigne - n°106 - janvier 2000 - page 0

Une petite parcelle de vieux hybrides continue d'être vinifiée par une association. Un musée vivant, mémoire des goûts d'autrefois.

Qui se souvient du goût framboise du clinton ou de l'arôme cerise-tabac du jacquet? Les Cévennes ardéchoises ne sont pas réputées pour leurs vins... et pourtant, elles abritent l'une des plus vieilles vignes de France! L'idée de préserver une parcelle de 78 ares de vieux cépages principalement américains (jacquet, clinton, herbemont, noah, etc.), plantés juste après l'invasion du phylloxéra (1876-1880), est venue fortuitement. Le propriétaire de cette vigne en terrasse, implantée dans le hameau du Gua (commune de Beaumont), avait demandé de l'aide à ses voisins pour les vendanges en 1993. C'est ainsi qu'Hervé Garnier et quelques amis réalisèrent que cette vigne était un véritable musée.'La création de l'association 'Mémoire de la vigne' a tout de suite plu aux amateurs comme aux professionnels du vin, précise Hervé Garnier, président de l'association. Notre objectif était de sauvegarder cette vigne en coteaux, exceptionnelle par la qualité historique du site. Nous souhaitions assurer la pérennité de la vigne par la vinification des raisins tout en conservant l'encépagement ancien, mémoire d'une autre viticulture.' Cette prise de conscience est arrivée à point nommé car les dernières vignes de la montagne ardéchoise sont peu à peu abandonnées et envahies de ronces.Sur 70 mètres de dénivelé comprenant vingt terrasses, la parcelle compte une douzaine de cépages différents. Créée en 1994, l'association s'est heurtée à un problème de taille: l'interdiction, depuis 1956, de produire des vins issus de ces hybrides naturels ou de plants de vignes sauvages américains. Car, comme le précisait le ministère de l'Agriculture de l'époque, 'ces cépages prohibés donnent du mauvais vin, ne sont plus à la mode et sont des reliques du passé'. Des arguments qui faisaient mouche en période d'après-guerre!'Ces vins étaient accusés de produire beaucoup de méthanol et d'être toxiques, explique Hervé Garnier. En fait, quand les raisins sont égrappés et bien vinifiés, ils sont dans la norme et en aucun cas dangereux.' Pour l'instant, l'association bénéficie de la bienveillance de l'administration, intéressée par cette volonté de produire les vins d'antan. La production de vin reste d'ailleurs très confidentielle, les rendements n'excédant pas les 20 hl par hectare. L'association produit environ 3 000 bouteilles par an, destinées aux soixante-trois membres de l'association ainsi qu'aux membres 'usagers', c'est-à-dire aux clients ponctuels. Ce vin fait l'objet de toutes les attentions pour offrir le maximum de son potentiel. Les grappes sont triées lors de la vendange puis avant l'égrappage.Pour le millésime 1999, la vinification s'est faite sans SO2. Les vins sont ensuite vieillis un an dans des vieux fûts bordelais. Et à chaque nouveau millésime, l'association laisse libre court à l'imagination d'un artiste pour créer une étiquette.L'association 'Mémoire de la vigne' vient également de construire un caveau - conçu pour travailler entièrement par gravité - qui pourra à terme devenir un musée et s'intégrer dans un circuit touristique. L'association n'a toutefois pas que l'objectif culturel de conserver le patrimoine. L'un de ses voeux les plus chers serait de voir de jeunes vignerons s'installer en terre cévenole... avec des cépages plus conventionnels!

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :