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Cartagène, sautel, hypocras...: des spécialités à redécouvrir

La vigne - n°107 - février 2000 - page 0

Pour personnaliser leur gamme, des vignerons relancent la production de vins d'apéritif et de fête en puisant dans les traditions locales.

En Languedoc, chaque famille de vignerons avait autrefois en réserve un petit tonneau de cartagène. C'était la boisson offerte aux hôtes de passage et servie pour les fêtes. Elle était élaborée le dernier jour des vendanges, avec le jus des raisins les plus mûrs, auquel on ajoutait de l'eau-de-vie de ménage, se souvient Pierre Chamayrac, vigneron dans le massif de la Clape (Aude).Sur son exploitation, la tradition s'est perpétuée. En 1982, il a décidé d'en élaborer un peu plus pour la faire découvrir à d'autres. Aujourd'hui, le domaine de Mire-l'Etang produit 5 000 bouteilles par an, commercialisées au caveau à 50 F le col. 'Nous sommes d'abord connus pour nos vins d'appellation, mais certains clients reviennent pour la cartagène. Pour l'instant, elle ne constitue qu'un petit complément de gamme, mais elle pourrait se développer à l'export', estime t-il.Sur le domaine du mas Combleau, à Saint-Just-et-Vacquières (Gard), la cartagène contribue à faire connaître l'exploitation. 'C'est un produit original, lié à l'histoire de la région, qui accroche les visiteurs', explique Sandrine Dumas. Elle a pris la suite de son père et produit 600 hl de vins de pays d'Oc. Avec plus de 12 000 bouteilles vendues 50 F le col, la cartagène contribue à sa notoriété et à son revenu. 'Au début, les gens l'achetaient surtout pour l'offrir. Aujourd'hui, ils en prennent aussi pour leur propre consommation.'En Provence, une vingtaine de domaines ont relancé la production de vin cuit, une spécialité dégustée à Noël, au retour de la messe de minuit. 'Nous avons commencé il y a vingt-cinq ans pour répondre à une demande des anciens', explique Jean Salen, du domaine des Bastides, au Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône). Il élabore aujourd'hui 5 000 bouteilles vendues 90 F le col. 'Nous ne pouvons pas en faire plus, car le jus de raisin, avant de fermenter, doit cuire durant plusieurs heures dans des marmites. Cela demande beaucoup de main-d'oeuvre. Mais nous tenons à préserver cette tradition', souligne sa femme.'C'est avant tout une question d'identité', ajoute Gilbert Chapuis, un vigneron qui a repris la cave de Palette (Var). Réputée pour son vin cuit, cette entreprise en produit encore un millier de bouteilles vendues 108 F le col. 'Les ventes sont concentrées sur les fêtes de Noël. Il serait possible d'augmenter les volumes et d'en vendre toute l'année, à condition de séduire de nouveaux consommateurs. Mais avant d'aller plus loin, la réglementation doit être clarifiée.'Au-delà du complément de revenu, parfois limité, ces spécialités contribuent à personnaliser la gamme et à l'ancrer un peu plus dans la tradition régionale. Elles offrent également un support original à la communication. 'Nous avons repris depuis 1995 la fabrication du sautel, un produit qui était encore fabriqué dans les années soixante. C'est un apéritif à base de vin, élaboré à partir de grenache, dans lequel nous faisons macérer de la cannelle, de la muscade et des écorces d'oranges amères', explique Philippe Sauzade, le directeur de la coopérative de Mazan (Vaucluse). 70 000 hl de vins y sont vinifiés, essentiellement en appellation côtes du Ventoux. Le sautel ne représente que 2 à 3% du chiffre d'affaire du caveau. 'C'est un élément de l'histoire locale qui nous sert à communiquer auprès de notre clientèle de proximité.'La coopérative de Morières-lès-Avignon élabore de l'hypocras à partir d'une recette retrouvée dans les archives du palais des Papes, à Avignon. Ce vin d'origine médiévale est aromatisé par macération avec du gingembre, de la cannelle et de la muscade. 'Nous avons commencé il y a trois ans et, depuis, la demande progresse. Nous vendons aujourd'hui 10 000 bouteilles par an. C'est peu par rapport à nos 55 000 hl, mais avec une bonne marge, c'est quand même un plus', souligne Jean Carpentras, le directeur. La cave vinifie essentiellement des côtes du Rhône et des vins de pays. 'Les produits complémentaires comme l'hypocras permettent d'élargir l'offre dans nos caveaux. Et lorsqu'ils font parler de nous dans les médias, nous en avons des retombées positives.'Henri et Eric Cunnac, vignerons à Donnazac dans la région de Gaillac (Tarn), élaborent aussi un hypocras depuis plusieurs années. 'Nous le faisions pour notre propre consommation, puis nous avons commencé à le commercialiser. Ceux qui aiment y reviennent et nos ventes augmentent peu à peu. Nous sommes d'abord connus pour nos vins d'appellation. Mais nous avons plaisir à élaborer un produit différent et à le faire découvrir à d'autres.' Avec ou sans épices, la convivialité reste essentielle dans le domaine du vin!

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