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Les phytoséiides

La vigne - n°108 - mars 2000 - page 0

De récents travaux ont étudié les facteurs influant sur la colonisation des parcelles de vigne par les phytoséiides, prédateurs des acariens phytophages.

Les phytoséiides, acariens prédateurs, se nourrissent entre autres d'acariens phytophages. Lorsqu'ils sont bien implantés dans une parcelle, ils maintiennent la population de ravageurs en dessous du seuil d'intervention, évitant ainsi l'application d'acaricides. Dans de nombreux vignobles, ce potentiel antagoniste avait disparu du fait de l'utilisation de produits insecticides non sélectifs et d'acaricides. Mais les temps changent et, ces dernières années, de plus en plus de vignerons prennent conscience des enjeux d'une viticulture plus respectueuse de l'environnement et pas forcément plus coûteuse. La restauration de ces populations de phytoséiides constitue l'un des axes majeurs de la lutte intégrée.
On sait aujourd'hui qu'en utilisant des programmes de traitement privilégiant les produits neutres à faiblement toxiques, les effectifs de ces acariens prédateurs augmentent naturellement et suffisamment pour permettre un contrôle efficace des acariens ravageurs. La manière dont ils colonisent les vignes et l'incidence des zones non cultivées situées à proximité des parcelles ont fait l'objet de plusieurs années d'observations, notamment en Bourgogne et en Languedoc-Roussillon.

Dans les deux cas, les chercheurs ont recensé les populations d'acariens prédateurs situées dans les zones non cultivées bordant les parcelles étudiées. Pour mesurer la dispersion de ces acariens dans la parcelle, ils ont disposé des pièges terrestres et aériens autour et dans les parcelles de vigne. On peut ainsi savoir quelles espèces de phytoséiides se déplacent et en quelle quantité.
En Languedoc-Roussillon, l'équipe d'écologie animale et de zoologie agricole de l'Ensa-Inra de Montpellier a choisi d'étudier une parcelle déjà occupée par des phytoséiides. Au niveau de l'environnement immédiat de la parcelle, Kampimodromus aberrans est l'espèce dominante. Dans les milieux non cultivés, certaines espèces végétales, dont le point commun est la pilosité, présentent des effectifs élevés de cette espèce. Au niveau de la parcelle de vigne étudiée, les comptages montrent que K. aberrans constitue également la principale espèce de phytoséiides présente.
Grâce au piégeage, on constate que K. aberrans se déplace essentiellement par voie aérienne. 'Cette migration concerne des effectifs importants, à condition que cette espèce soit présente en grand nombre dans l'environnement et que le vent atteigne une intensité suffisante', précise Marie-Stéphane Tixier, de l'Ensa de Montpellier. L'influence de la zone boisée en terme d'effectifs migrants n'apparaît que sur un faible rayon de proximité. Le vent pourrait agir ici en faisant tomber les phytoséiides des arbres sans entraîner de dispersions sur de longues distances. Dans les points de la parcelle éloignée de la zone boisée, on ne sait pas exactement d'où proviennent les acariens prédateurs piégés. Le marquage moléculaire devrait permettre de préciser ce point.
Par ailleurs, l'augmentation des effectifs présents dans la parcelle est bien inférieure aux effectifs apportés par la migration. 'Il semble donc exister un frein à l'installation des individus migrants', constate Marie-Stéphane Tixier. Ceci peut être lié aux modifications micro-climatiques, mais aussi aux contraintes culturales différentes, comme les traitements phytosanitaires.
Lors de la dernière campagne d'observation en Languedoc-Roussillon, la parcelle a été soumise aux trois traitements obligatoires contre la cicadelle de la flavescence dorée, avec du quinalphos. Malgré cela, les effectifs de phytoséiides n'ont pas chuté. Les populations pourraient donc présenter une tolérance, voire une résistance à cette matière active. Les travaux actuels devraient permettre de mieux cerner l'origine des effectifs migrants et de préciser quels sont les freins à l'installation. Des observations seront aussi réalisées sur une parcelle nouvellement plantée, entourée de zones réservoirs, non colonisées par K. aberrans. 'Nous verrons si cette espèce s'implante; si oui, si elle colonise d'abord la zone réservoir ou la vigne, et surtout d'où elle provient', explique la chercheuse.
A l'ITV de Beaune, Gilles Sentenac a choisi pour son étude deux parcelles tout juste plantées (infographie). Dans les zones non cultivées, dix espèces de phytoséiides sont identifiées, parmi lesquelles Typhlodromus pyri. Cette espèce n'est pas dominante et ne présente pas de relation spécifique avec certaines plantes. En revanche, sur les zones de lisière, susceptibles de recevoir des embruns de traitements phytosanitaires, et dans les bosquets situées au coeur du vignoble, T. pyri et Euseius finlandicus dominent.
Le piégeage montre que T. pyri se déplace essentiellement par voie terrestre et qu'elle n'est pas la principale espèce migrante. Cependant, elle est la seule à s'implanter durablement sur vigne après deux à trois années.
Pour préciser l'origine des phytoséiides s'implantant dans les vignes, des techniques de biologie moléculaire ont été utilisées par Valérie Macheret (ITV Bour- gogne-Franche-Comté/Inra Dijon). D'après ces techniques, les populations de T. pyri prélevées dans la parcelle B (la plus enfoncée dans le bois) sont génétiquement très proches des populations prélevées dans les lisières nord et ouest. Les T. pyri prélevés dans la parcelle A sont, quant à eux, génétiquement très proches des populations issues des vignes situées à proximité. On montre ainsi que la zone réservoir contribue à la colonisation passive de la parcelle B, sans que l'on sache cependant dans quelles proportions.
'Dans le processus de restauration du potentiel antagoniste naturel des acariens phytophages, le choix des produits de traitements les plus neutres à l'égard des phytoséiides reste le point essentiel. Le maintien ou l'aménagement de zones réservoirs de proximité peut aider, mais ne fera pas tout. Il faut d'ailleurs considérer cet aspect dans un contexte plus global de production intégrée, de lutte contre l'érosion, de protection des cours d'eau... La notion de zone écologique de compensation est d'ailleurs prise en compte dans les préconisations de l'organisation internationale de la lutte biologique', conclut Gilles Sentenac.

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