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Le vin des manipulateurs

La vigne - n°108 - mars 2000 - page 0

A partir de 1750, dans les provinces septentrionales, les agronomes et les chimistes s'escriment à corriger les insuffisances de la nature.

Par expérience, les vignerons ont découvert que la température joue un rôle essentiel dans la fermentation vineuse. Ils essaient donc de vendanger par temps chaud et sec. Ils savent également que les raisins doivent être mûrs. Le marc et le moût, après un foulage rapide sans égrappage, sont abandonnés à eux-mêmes, et la nature fait le reste. Suivant les années, cela donne des vins potables ou détestables, des vins de garde ou prompts à 'tourner casaque'.A partir des années 1750, on s'efforce par des manipulations diverses d'améliorer la qualité moyenne des vins afin de ne plus connaître d'années complètement ratées. Une série de douze années climatiques médiocres (1767 à 1778) incite de nombreux vignerons à expérimenter ces innovations, nécessité d'autant plus grande que, depuis quelques décennies, on tend à planter des cépages grossiers pour obtenir du rendement.Un nommé Maupin, ancien valet de chambre de la reine Marie Leczinska, et propriétaire de vignes à Triel-sur-Seine (région parisienne), lance un essai sur l'art de faire le vin rouge, en 1762. Sur sa demande, la vendange est égrappée grossièrement et foulée dans des tonneaux à gueule bée avant d'être versée dans la cuve. Cette dernière doit être couverte pour faciliter le démarrage de la fermentation. Quand elle commence à s'échauffer, deux ou trois hommes foulent le contenu au pied.S'il fait trop froid dans le cellier, on ranime et on accélère la fermentation en jetant sur le marc cinq ou six chaudronnées de raisins bouillants. La cuve est à nouveau couverte pour que le marc reste immergé. Ainsi il n'est pas nécessaire de l'arroser, ce qui le refroidit, ni de l'enfoncer régulièrement, ce qui favorise le développement de la fermentation acétique. Le vin n'est tiré que lorsque la fermentation a cessé et que la cuve est refroidie.Maupin est persuadé d'avoir révolutionné l'art de faire le vin. Il s'attire les faveurs de l'Académie des sciences et le gouvernement envoie des milliers de prospectus pour faire connaître sa méthode en France. Les années passant, il préconise un égrappage plus ou moins important pour conserver un peu de verdeur au vin et pour l'empêcher de tourner à la graisse. D'après les inventaires de maisons de vignerons de cette époque, les principes de Maupin ont influencé le vignoble. On trouve de grands entonnoirs à longue douille (1,30 m) pour mieux faire pénétrer le moût bouillant dans la cuve. Les mentions de cuves à double fond ne sont pas rares, le second fond étant le couvercle amovible que l'on peut assujettir plus ou moins hermétiquement sur la cuve.On commence aussi à trouver des 'chaudières à faire bouillir le raisin', en cuivre rouge, de 100 à 200 l. Elles coûtent très cher (40 à 70 F), et les petits vignerons n'en possèdent pas. Second obstacle: le bois nécessaire à la cuisson est très onéreux. On trouve des cuves beaucoup plus grandes pour que la vendange s'échauffe plus facilement. Il existe aussi des mélasses, moins coûteuses que le sucre, qu'on commence à utiliser et qui remplacent les moûts concentrés qu'on incorporait auparavant. S'ils ne constituent pas une révolution, tous ces moyens annoncent déjà l'oenologie moderne.

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