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AOC contre urbanisation

La vigne - n°109 - avril 2000 - page 0

Dans les communes viticoles péri-urbaines, la lutte entre les vignes et les villas bat son plein. Pour défendre notre patrimoine, la loi est peu efficace, la jurisprudence davantage.

Près des villes, de nombreux propriétaires luttent pour sauvegarder leurs terrains classés en AOC. A l'opposé, des vignerons et des conseils municipaux sont favorables à l'élaboration de POS (plan d'occupation des sols) incorporant de telles parcelles en zone constructible. C'est souvent plus intéressant financièrement. Il en découle un conflit entre particuliers, mais aussi syndicats d'appellation, chambres d'agriculture et municipalités.En son article III, la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a donné une nouvelle rédaction à l'article L 112-3 du code rural: lorsque des documents d'urbanisme prévoient une réduction des espaces agricoles, ils ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu'après avis de la chambre d'agriculture et de l'Inao. Il en est de même en cas de révision ou de modification de ces documents. Les avis doivent être donnés dans les deux mois; à défaut, ils sont réputés favorables.La même loi (article 108) prévoit la création de zones agricoles protégées dont la préservation présente un intérêt général en raison de la qualité de leurs produits. Ces zones sont délimitées par arrêté préfectoral sur la proposition ou l'accord du conseil municipal. Tout changement d'affectation altérant le potentiel économique doit être soumis à l'avis de la chambre d'agriculture et de la commission départementale d'organisation de l'agriculture. Si l'avis est défavorable, le changement d'affectation devra résulter d'un arrêté du préfet dûment motivé, mais le texte exige un décret à paraître pour son application. Conformément à l'article L 121-3, lorsque le périmètre d'aménagement comprend des aires d'appellation d'origine contrôlée, la composition de la commission communale est complétée par un représentant de l'Inao. Selon l'article L 123-4 du code rural, tout propriétaire de parcelles comprises dans une aire d'appellation peut demander à la commission communale l'attribution d'une superficie équivalente. Mais toutes ces précautions légales pour défendre les aires d'AOC sont-elles suffisantes?Le Conseil d'Etat sera amené à intervenir dans le vignoble bordelais. En 1991 d'abord, sera annulé le POS classant en zone NA (urbanisation future) plus de 32 ha de terres situées dans l'appellation Graves. Il sera jugé qu'en adoptant, aux dépens des terres viticoles de valeur exceptionnelle, un parti d'urbanisation qui n'est pas justifié par les perspectives d'augmentation de la population, ce plan n'est pas compatible avec le Sdau, schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (commune de Portets, le 30 janvier 1991).Récemment, la cour administrative d'appel de Marseille (le 22 avril 1999, commune du Castellet, Var) a été amenée à trancher: le vignoble de Bandol s'étend sur une région à forte démographie et à vocation touristique. Son aire est réduite. La chambre d'agriculture et le syndicat des producteurs de vin de Bandol vont contester une délibération du conseil municipal de Castellet qui, dans le cadre d'une révision du POS, va inclure dans une zone NB des parcelles classées en appellation Bandol.Tout d'abord, la cour rappellera l'article L 123-1 du code de l'urbanisme, aux termes duquel il faut prendre en considération la valeur agronomique, les structures agricoles et les terrains produisant des denrées de qualité supérieure. Face à ce principe, la cour remarquera que les zones concernées sont mises en dehors de l'agglomération et peu construites; elle affirmera que le maintien de la viticulture n'est pas compatible avec un classement en zone NB lorsque la proximité de la mer induit une forte demande en résidences secondaires et équipements touristiques.Certes, l'augmentation de la population locale ou résidentielle exige celle de la surface des terrains constructibles, mais cette superficie a progressé de 46%. Une telle augmentation suffit largement aux besoins de la commune sans y incorporer les terres viticoles. La délibération du conseil municipal est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.Le principe à dégager est qu'il faut maintenir les terres aptes à produire des AOC, sauf si l'augmentation de la population est telle que la superficie constructible est insuffisante. En l'état de la jurisprudence résumée ci-dessus, il appartient à tous de ne pas s'incliner devant ce sacrifice des appellations sur l'autel de l'urbanisation.

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