L'arsénite de sodium demeure la seule arme efficace contre les maladies de dépérissement comme l'esca. Cependant, son profil toxicologique rend son avenir incertain.
L'arsénite de sodium est utilisé en agriculture depuis près d'un siècle. Il fut reconduit d'homologation en homologation. A la suite d'intoxication d'oiseaux, il est, depuis 1981, obligatoirement associé à une substance répulsive pour la faune sauvage. Cependant, ce vieux produit ne répond plus aux normes actuelles. Il ne se dégrade pas dans le sol, est toxique pour l'homme, dangereux pour le gibier, les abeilles et l'environnement.
Les produits à base d'arsenic sont reconnus comme étant à l'origine de certaines maladies professionnelles en agriculture. Celles prises en charge vont de simples irritations cutanées à des pathologies cancéreuses de la peau, du foie ou des bronches. Pour ces maladies graves, le délai de prise en charge court jusqu'à quarante ans après l'exposition. Un à quatre cas de maladies professionnelles dues à l'usage de produit à base d'arsenic sont reconnus chaque année. Mais ces chiffres, qui ne concernent que les salariés de l'agriculture, sous-estiment largement la réalité.
Deux études en cours tentent d'évaluer l'exposition de l'applicateur du produit. L'une d'elles est menée par Rhône-Poulenc et la faculté de pharmacie de Montpellier. Elle étudie une population d'entrepreneurs. La MSA et l'hôpital parisien Fernand Widal conduisent la seconde étude: elle compare, dans l'Hérault et le Rhône, un groupe de vignerons à une population n'employant pas l'arsénite de sodium. Ces deux études se fondent sur le dosage de l'arsenic dans les urines. Les résultats ne sont pas encore disponibles.
Cependant, pour lutter contre l'esca, l'arsénite de soude demeure la seule arme disponible. L'Escudo n'a qu'une action préventive. L'arsénite bloque l'expression des symptômes, mais la souche reste infectée. Il n'est pas nécessaire de l'utiliser tous les ans: un traitement deux années sur trois garde son efficacité. Cependant, selon des observations menées dans le vignoble de Cognac, malgré des applications régulières, le taux de ceps présentant des symptômes est de l'ordre de 5%.
On connaît encore mal le mode d'action de l'arsénite. L'Inra de Bordeaux a montré qu'en laboratoire, il inhibait les champignons responsables de l'esca et qu'il avait un effet sur la germination des spores. Appliqué sur les plaies de taille, il a un effet curatif sur l'un des champignons responsables du dépérissement (Phaeoacremonium). Apporté sur tout le cep, il a une année détruit en grande partie les champignons présents dans le bois, alors que l'année suivante, il n'a pas eu d'effets...
La station viticole du Bnic (Bureau national interprofessionnel du cognac) a tenté de chiffrer la nuisibilité réelle de l'esca lorsque les traitements d'hiver s'arrêtent. Les essais ont démarré sur de l'ugni blanc de 23 ans ayant extériorisé cette maladie l'année précédente. Après cinq ans sans arsénite, la mortalité due à l'esca atteint près de 15% des souches présentes au départ!
Aujourd'hui, l'arsénite de sodium n'est plus homologué que sur vigne en France, pour lutter contre l'esca et l'excoriose. Il est actif également sur la pyrale, les insectes hivernants dans le bois et les cochenilles. En Europe, il n'est pas autorisé en Allemagne et les Italiens l'ont interdit depuis plusieurs années. Il fut interdit en Espagne en 1998, puis à nouveau autorisé cette année, au moins pour un an. Seul le Portugal, comme la France, l'homologue encore.
Or, désormais, les produits utilisés en Europe doivent répondre à certains critères. De par son profil toxicologique, l'arsénite de sodium ne pourra pas se conformer à ces nouvelles règles. Son utilisation pourrait donc être interdite dès 2003.
Le seul moyen de conserver son usage consisterait à obtenir de l'Union européenne une dérogation pour usage mineur. Les firmes phytosanitaires concernées montent actuellement un dossier pour convaincre la France de déposer cette demande. Elles trouveront sans doute un soutien auprès de l'OIV (Office international de la vigne et du vin) qui, dans une résolution datant de 1994, accepte l'emploi rigoureux de l'arsénite de sodium, tout en encourageant la recherche d'autres méthodes de lutte. Cette résolution a été votée à la majorité, notamment parce qu'il n'existe pas d'autre méthode sûre, qu'il n'y a pas de résidus sur les raisins et dans le vin, et que certaines règles permettent d'éviter les risques pour l'applicateur comme pour l'environnement. 'Si dérogation il y a, il est pratiquement acquis qu'elle sera accompagnée d'engagements, explique Jacques du Castel, de Rhône-Poulenc Leadagro. L'obligation d'utiliser des panneaux récupérateurs est pratiquement une certitude. Il est aussi possible que l'Union européenne demande à ce que seuls des applicateurs agréés pulvérisent ce produit', poursuit-il.
Une chose est sûre: sans dérogation, à partir de 2003, l'arsénite ne pourra plus être utilisé.