Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2000

Espagne

La vigne - n°109 - avril 2000 - page 0

Dans la province de Cordoue, au coeur de l'Andalousie, les 10 000 ha de Montilla donnent des vins généreux, proches de ceux de son voisin Xeres. Ces marchés de niche s'étiolant, on s'oriente aussi vers des vins plus classiques.

Quand vous venez ici, il faut laisser au vestiaire tout ce que vous savez sur le vin. Dans la province espagnole de Cordoue, les vins de Montilla (1) sont l'une des fiertés locales... mais on sait combien ils sont difficiles à comprendre. Pour se faire, il faut rentrer dans les chais de vieillissement. On y voit des milliers de barriques, en chêne ou en châtaignier, empilées sur trois à quatre niveaux et l'on découvre alors le mode de vieillissement typique de l'Andalousie, la solera.De la rangée de fûts située au sol, on retire le vin pour la mise en bouteilles et la vente. Dans celle du haut, on entonne le vin de l'année, en trois ou quatre fois. Entre les deux: des années et des variantes. Au fur et à mesure des besoins, le circuit commence par le haut pour finir en bas, en passant par les étapes intermédiaires, appelées les criaderas (les éleveuses). Le but est d'obtenir un vin standard et propre à une bodega, à l'opposé de la notion de millésime. Les barriques sont remplies aux deux tiers, on obtient en surface un voile de levures, la flor, comme pour le vin jaune du Jura. A l'abri de l'oxydation, c'est le fino qui voit le jour.C'est ici le vin 'phare'. Conditionné en petit vrac ou en bouteilles à bouchon à vis, il est consommé à l'apéritif dans les bistrots avec les tapas. Très sec, avec une pointe d'amertume et peu d'acidité, il surprend les non-initiés. Il atteint naturellement 15 à 16° d'alcool. Pour compléter la famille nombreuse des vins de cette appellation Montilla réglementée en 1985, il faut citer l'amontillado: un fino dont le vieillissement se prolonge sur sept à huit ans et où le voile disparaît. Tirant sur les tons ambrés, il peut titrer plus de 20°. Vient ensuite l'oloroso, qui est soumis à un élevage oxydatif dans des fûts complètement remplis et à un mutage à l'alcool. Le tout pendant environ cinq ans. Et enfin, le vin qui porte le même nom que le cépage blanc dominant de l'appellation: le pedro ximénez. Elaboré à partir de raisins passerillés (environ une semaine au soleil), il est non seulement riche en alcool naturel, mais il fait aussi l'objet d'un mutage. C'est un vin de dessert à consommer à petites doses... Et on ne s'étend pas sur les variantes: pale dry, cream..., notamment pour le marché anglais. Sans oublier les brandys. En Espagne, prix consommateur, le fino est à 20-25 F la bouteille, l'amontillado et l'oloroso autour de 40 F, le pedro ximénez à 50 F et plus.'Tout cela est notre patrimoine, ce sont des vins spéciaux et on souhaite les faire connaître à l'étranger', explique Rafael Delgado, directeur export de la bodega Perez Barquero, l'un des poids lourds de l'appellation qui, avec des confrères, a formé l'association Montisierra à cet effet. Autant dire que ce sont des marchés de niche. Du coup, l'appellation, qui comptait 20 000 ha il y a vingt ans, n'en a plus que la moitié aujourd'hui! Comme à Xeres, distant de 200 km et vignoble avec lequel Montilla veut couper le cordon ombilical après avoir longtemps vécu dans son ombre, les arrachages furent nombreux pour s'adapter à une demande en baisse. 'Nous avons atteint le fond, on va remonter', pronostique Manuel Lopez Alejandre, secrétaire général du conseil régulateur (syndicat interprofession), qui dispose d'un budget de 9 millions de francs. Et ce d'autant que l'olive, l'autre grande culture locale pratiquée par les viticulteurs, souvent polyculteurs, s'apprête à vivre des jours difficiles.Sur place, on sent une tension sur la question des vins jeunes et fruités. Pour répondre à la demande mondiale, certains poussent dans cette direction, avec de nouveaux cépages et des modes de vinification plus standards. 'Mais comment faire bien, entre 300 et 700 m d'altitude, l'un des climats les plus chauds d'Espagne avec 2 500 heures d'ensoleillement par an et 600 mm de pluie?' s'interroge un technicien. Certains pensent également à des rouges, même s'ils ne sont pas des vins d'appellation.'Ici, le kilo de raisin blanc est acheté autour de 50 pesetas (4 F). Avec des rendements dépassant rarement les 8 000 kg/ha, le revenu maximal à l'hectare est à 400 000 Pta (16 000 F). Ailleurs, en Rioja, à Ribera del Duero ou en Catalogne, on est plutôt à 150-200 pta le kilo de rouge', estime un responsable de la bodega Alvear, la plus importante de la région et certifiée Iso 9002. L'Espagne, comme l'Italie et la France, vit en ce moment une belle période pour sa viticulture, mais certains vignobles en profitent un peu moins... Aujourd'hui, la plupart des bodegas ont dans leur gamme des blancs jeunes, fruités et légers (10 à 12°). Ils sont peu exportés. La production annuelle moyenne de Montilla est de 600 000 hl, mais les deux dernières récoltes ont été notamment touchées par le gel. On s'inquiète déjà pour la récolte prochaine, sachant que le sud de l'Espagne revit à nouveau une période de sécheresse intense.(1) Même si localement, tout le monde parle de 'Montilla', le véritable nom de l'appellation est Montilla-Moriles, du nom des deux principales communes productrices.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :