Malgré la mise en place de la lutte obligatoire, la flavescence dorée poursuit sa progression.
En 1955, les premières épidémies de flavescence apparaissent en Gascogne, dans des communes du Bas-Armagnac et de Chalosse. Puis cette maladie prend en Corse un caractère épidémique très grave au début des années soixante-dix. Elle est identifiée dans l'Aude en 1982 où, en moins de dix ans, elle se répand dans tout le département. En 1986, l'Hérault est touché. En 1991, c'est le tour des Pyrénées-Orientales. Dans les années quatre-vingt, la maladie s'étend en Midi-Pyrénées. L'Aquitaine est atteinte en 1994, les Charentes en 1996. En 1999, les professionnels du Gard ont tenté une prévention en conseillant, dans la zone limitrophe avec l'Hérault, un traitement contre la cicadelle, mais deux foyers ont été découverts dans ce département l'an dernier.
Certains vignobles sont aujourd'hui en alerte. En Beaujolais, trois foyers ont été détectés en 1997 et 1998 dans des vignes mères de greffons dont les porte-greffes provenaient d'une région contaminée. La Protection des végétaux a opéré un contrôle pied par pied dans un périmètre de 1 km autour de ces foyers, sans trouver de traces de flavescence. 'C'est un secteur où le vecteur est peu présent. Cela nous a sans doute sauvé', explique Nadine Mouckensturm, à la Protection des végétaux. Cependant, la vigilance reste de mise. Cette alerte en engendre une autre car des porte-greffes de la même provenance ont été plantés en Savoie, dans une zone où les cicadelles sont plus nombreuses. Pour l'instant, aucun cas de flavescence n'a été relevé. Néanmoins, la Protection des végétaux mène dans ces régions des campagnes de communication sur les symptômes de jaunisse.
La cicadelle vectrice progresse elle aussi vers le nord. 'Il y a une dizaine d'années, sa limite géographique nord était une ligne reliant Cognac à Tain-l'Hermitage. Aujourd'hui, elle est présente en Bourgogne et dans certains secteurs du Val de Loire', explique Jean-Michel Trespaillé-Barrau, rapporteur national flavescence à la Protection des végétaux.
Il est plus rapide de lister les régions où Scaphoideus titanus n'a pas encore été retrouvé: la Champagne, l'Alsace, la Lorraine et le nord des Pays de Loire. Cette répartition de la cicadelle laisse donc planer un risque potentiel sur des régions encore indemnes.
Lors du dernier Euroviti à Montpellier, Jean-Michel Trespaillé décrivait en six phases un exemple d'épidémie au niveau régional. D'abord, la cicadelle est présente sans le phytoplasme. Puis le vecteur et la maladie coexistent. Un, deux, trois ans après, voire plus, les premiers foyers de flavescence sont identifiés. C'est l'année N. Ensuite, de N à N+5, d'autres foyers se déclarent. Ils sont initiés à partir de bois et plants contaminés ou du déplacement, passif ou actif, de la cicadelle infectieuse. Au cours de l'année N+5 à N+10, on assiste à une transmission de proximité de la maladie par la forme ailée de la cicadelle. C'est la phase explosive de l'épidémie, avec la présence de nouveaux foyers dans un rayon de 5 à 15 km. La mobilisation générale au cours de la sixième phase permet de stabiliser la maladie, mais elle reste présente dans l'ensemble du vignoble sous forme diffuse, avec des ceps isolés atteints un peu partout.
Il n'est alors pas question de lever le pied, tous les ingrédients étant présents pour que la maladie explose à nouveau.
'Au niveau d'une parcelle, les premières souches malades apparaissent, en général, un an après la contamination. Mais le temps d'incubation peut être plus important', poursuit Jean-Michel Trespaillé-Barrau.
'L'année suivante, cinq souches, parfois dix, sont atteintes. Deux ans plus tard, sans traitement ni arrachage, c'est cinquante à deux cents souches qui peuvent être contaminées. Trois ans après la contamination, la parcelle peut être frappée d'arrachage. Et durant ces trois années, la cicadelle vectrice s'est répandue dans un rayon de 15 km, ou même plus!'