Lors d'essais menés en Beaujolais, dans des conditions idéales, les grappes représentent 42 à 64 % du poids total d'une vendange récoltée à la machine. La vinification beaujolaise est alors possible.
La vinification beaujolaise consiste à encuver des grappes entières. Sous leur poids, du jus s'écoule au fond de la cuve, mais une partie des grappes reste émergée. Cette vendange est ensuite plongée dans une atmosphère enrichie en CO 2 lorsque la fermentation alcoolique commence. Après une récolte mécanique, que devient cette macération beaujolaise ? Depuis plusieurs années, l'Institut technique de la vigne et du vin évalue l'incidence de la machine à vendanger sur la qualité de la récolte, en termes de taux de grappes entières et de taux de jus. Il a communiqué ses résultats lors des entretiens du Beaujolais, en mai.Les tests machines ont été réalisés dans des parcelles adaptées à ce mode de vendange, avec des machines réglées et conduites par les fabricants, à des vitesses ne dépassant pas 3 km/h. Lors de ces essais, le taux de grappes entières obtenu est surprenant : entre 42 et 64 % du poids total de la récolte, avec un volume de jus ne dépassant pas 3 % ! Cependant, en dehors de ces conditions idéales, les performances chutent, avec des taux de grappes descendant parfois jusqu'à 10 %. La qualité de la vendange dépend de l'adaptation de la vigne à la récolte mécanique et des circonstances d'emploi des machines. De plus, selon les années, les grappes entières se détachent plus ou moins facilement et les baies émettent plus ou moins de jus. Le rendement joue aussi un rôle : lorsqu'il est excessif, il pénalise la qualité de la récolte. En revanche, pour optimiser cette qualité, il faut attendre une maturité optimale. ' Elle se traduit par une fragilisation d'une zone du pédoncule de la grappe, qui lui permet d'être décrochée en conservant le maximum de grains attachés ', explique Yves Heinzlé, de l'ITV de Mâcon. Depuis 1990, l'Institut évalue les incidences oenologiques de la récolte mécanique sur les vins du Beaujolais. Lorsque la vendange est récoltée à la machine, en dehors des conditions idéales, la hauteur de jus est telle dans les cuves que peu des baies restent émergées. La fermentation s'emballe alors plus facilement. ' Il faut donc maîtriser la température au chai ', conseille Jean-Yves Cahurel, à l'ITV de Villefranche-sur-Saône. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant de constater que la récolte mécanique entraîne une augmentation de la couleur et des anthocyanes. L'acidité totale progresse un peu. En effet, dans les baies en macération carbonique se tient un métabolisme anaérobie au cours duquel l'acide malique est dégradé sans former d'acide lactique. Mais lorsque la vendange est récoltée à la machine, ce phénomène reste limité. La fermentation malolactique est alors plus longue et plus difficile à déclencher. ' En année tardive, il peut être intéressant d'ensemencer le vin en bactéries lactiques ', suggère Jean-Yves Cahurel.Logiquement, la turbidité augmente. La concentration en fer également, ' peut-être à cause d'une présence plus importante de poussière de terre ', poursuit Jean-Yves Cahurel. En revanche, la teneur en tanins diminue, car la vendange récoltée à la machine contient moins de rafles. Le pH et la teneur en potassium baissent aussi. Les alcools supérieurs sont plus présents dans les vins issus d'une récolte mécanique, ce qui leur est plutôt défavorable, et les esters se font plus discrets. Cela se traduit en dégustation par une préférence des vins issus de récolte manuelle. Les autres développent souvent un caractère réduit. De plus, ils expriment moins les notes fruitées et florales, intéressantes pour les primeurs. Mais pour les vins de garde ou de semi-garde, les différences entre le témoin et les vins issus de récolte mécanique s'estompent, notamment pour la couleur et l'expression aromatique. Pour que les vins issus de vendanges récoltées à la machine se rapprochent du témoin, l'ITV a envisagé quatre voies. La saignée tout d'abord. Par rapport aux échantillons issus de récolte mécanique, sans adaptation particulière, elle entraîne, lorsque le volume saigné n'est pas réincorporé, une augmentation de la couleur, de la teneur en anthocyanes, en tanins et en esters, et du caractère végétal. La teneur en fer et la turbidité diminuent. Une autre technique consiste à installer dans la cuve un caillebotis qui maintient de la vendange au dessus du jus. Les analyses montrent alors une hausse des teneurs en esters, une baisse de la couleur et des concentrations en alcools supérieurs ainsi qu'en tanins. La malo est plus rapide. L'application d'un différentiel thermique, avec une température plus froide au niveau du jus de fond de cuve, associée à une chaptalisation décalée, après le décuvage, permet d'augmenter les teneurs en esters et en tanins. Mais la technique ayant donné les meilleurs résultats est la macération préfermentaire à chaud. Elle permet d'accroître la présence d'esters et favorise les notes fruitées et florales. Elle renforce la couleur, les tanins et les anthocyanes, mais la teneur en fer et de la turbidité progressent.