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Un conservateur sans inconvénients pour la majorité des amateurs de vin

La vigne - n°112 - juillet 2000 - page 0

Les sulfites ne provoquent pas de maux de tête. La découverte de rares sujets allergiques a relancé le débat sur leur toxicité.

Le SO2 souffre d'une bien mauvaise réputation. On l'accuse de matraquer les vins et d'assommer ceux qui les boivent. Si le premier de ces inconvénients apparaît de façon certaine dès que l'on force les doses, il n'en est pas de même pour le second. On a beau chercher, on ne trouve aucune preuve de la responsabilité des sulfites dans l'apparition de maux de tête.Récemment, dix hommes et dix femmes se plaignant de ne pas tolérer le vin ont accepté de se soumettre à une expérience au Centre hospitalier universitaire de Nancy. Ils ont bu un blanc dont la stabilisation avait été assurée de deux manières : soit au lyzozyme (0 mg/l de SO 2 libre, 9 mg/l de SO2 total), soit à l'aide d'une forte dose de SO 2 (134 mg/l de SO2 libre et 214 mg/l de SO 2 total). Résultat : les premiers échantillons ont provoqué plus de maux de tête que les seconds. Gisèle Kanny n'en fut pas surprise. Ce médecin, spécialiste des allergies et des intolérances alimentaires, est à l'origine de l'étude menée conjointement avec le laboratoire d'oenologie de la faculté de Montpellier. ' Lorsqu'on fait des tests de réaction aux sulfites seuls, on n'observe jamais de migraine ', affirme-t-elle. Il n'y donc pas de raison que, dissous dans les vins, ils en provoquent. Les spécialistes américains des maux de tête ne seraient pas non plus étonnés de ces résultats. Ils sont réunis au sein de deux sociétés savantes (American Headache Society, American Council for Headache Education). Aucune ne considère que les sulfites induisent des maux de tête. Elles mentionnent l'alcool parmi les multiples causes de cette affection. Elles désignent particulièrement le rouge. Cela est assez amusant vu de France où l'on accable surtout les vins blancs secs et les liquoreux. Pourtant, si les sulfites n'engendrent pas de maux de tête, ils ne sont pas sans inconvénients. Certaines des personnes qui se sont prêtées à l'expérience de Nancy se sont mises à tousser ou ont ressenti une oppression respiratoire après avoir vidé le verre qui en contenait de fortes doses. D'autres ont subi des troubles digestifs. Ces réactions sont bien connues de Gisèle Kanny. Elles sont typiques de l'intolérance aux sulfites, fragilité dont souffre une très faible proportion de la population, particulièrement les asthmatiques et les personnes sujettes aux rhinites. En règle générale, elles sont sans conséquences. L'allergie à ces composés est bien plus dan- gereuse. Elle risque de se traduire par des réactions très violentes. Heureusement, selon Gisèle Kanny, il ne se déclarerait, au pire, que quelques cas chaque année dans l'Hexagone. Cette sensibilité exacerbée a été découverte aux Etats-Unis dans les années 70. Avant cette période, les sulfites étaient reconnus comme sains de l'autre côté de l'Atlantique. A tel point qu'ils pouvaient entrer comme conservateurs dans les médicaments pour les asthmatiques. A partir de 1973, la littérature médicale s'est couverte d'exemples spectaculaires et alarmants de personnes ayant failli succomber à l'ingestion d'aliments sulfités. Le plus souvent, elles avaient consommé des fruits ou des légumes séchés ou frais. L'administration américaine (Food and Drug Administration) a fini par s'inquiéter de ces accidents. En 1982, elle a décidé de réexaminer le statut des sulfites. Quatre ans plus tard, elle interdisait leur emploi sur les légumes et les fruits destinés à être mangés crus. Sur les autres aliments, elle imposait la mention de leur présence au-delà de 10 ppm (10 mg/l). Cette décision s'applique aux vins depuis 1988. Elle a pour objectif d'informer les personnes sensibles. Elle n'intéresse qu'une faible partie de la population. Selon l'administration américaine, 1 % de la population ne tolère pas les sulfites. Elle précise que ce taux s'élève à 5 % des asthmatiques. Elle tire ces chiffres de son observatoire des réactions d'ordre allergique qui, en 1995, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, a recensé seulement six accidents provoqués par la consommation d'aliments sulfités. Rappelons que les Etats-Unis comptent plus de 260 millions d'habitants. Ces discussions, et les mesures réglementaires auxquelles elles ont abouti, ont frappé les esprits. Elles les ont renforcés dans l'idée que le SO 2 est dangereux pour tous, et non pas seulement pour quelques-uns. Certains se sont rappelés que l'OMS (Organisation mondiale de la santé) avait fixé la dose journalière admissible à 0,7 mg/kg de poids corporel. Ils ont fait des comptes et ils ont montré que le vin est, de tous les aliments, la principale source d'apports. Ils ont aussi voulu démontrer que sa consommation entraîne un risque considérable de dépassement de la norme de l'OMS. Pour cela, ils ont retenu les doses maximales autorisées. Ils ont calculé qu'à ces doses, un homme de 80 kg dépasse la norme s'il boit plus d'un quart de litre de blanc sec par jour ou plus d'un tiers de litre de rouge. Cependant, ils ont oublié que les teneurs en SO 2 sont, en réalité, près de deux fois inférieures aux maximums autorisés. Ils ont aussi négligé que l'OMS prend de grandes marges de sécurité. En effet, selon des chercheurs, des hommes ne souffrant pas d'intolérance aux sulfites peuvent ingérer 400 mg/j de SO 2 pendant vingt-cinq jours d'affilée sans en subir de conséquence.Tout au long de ces trente dernières années, les vignerons ont été sommés de réduire le sulfitage. Cependant, après avoir été fortes, les pressions qu'ils subissent diminuent. Lors de son assemblée générale de 1998, l'OIV (Office international de la vigne et du vin) a recommandé d'abaisser de 10 mg/l la concentration maximale en SO 2 dans les vins secs. On s'attendait à ce que la Commission européenne suive. Il n'en fut rien. Dans la nouvelle OCM publiée en juillet 1999, elle a reconduit les limites légales, en vigueur depuis 1985 : 210 mg/l dans les blancs secs et 160 mg/l dans les rouges. ' La révision à la baisse des doses de SO 2 est un dossier plus que dormant ', assure-t-on à la Direction générale de l'agriculture à Bruxelles.

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