Par une sorte de retour de balancier, aux excès de sulfitage ont succédé les excès inverses. Ils se sont soldés par des déviations microbiennes. Il faut se rendre à l'évidence : le SO 2 reste indispensable.
Pour une fois, les mentalités sont en retard sur l'histoire. Elles sont encore obsédées par les excès de sulfitage alors que le temps où ils avaient cours est révolu depuis plus de deux décennies. Les enquêtes de la Répression des fraudes le prouvent : la production française est dans les clous et même bien en deçà. L'essentiel des vins secs, rouges, blancs ou rosés affichent des teneurs en SO 2 en bouteilles qui ne dépassent guère la moitié des limites maximales autorisées. A ces niveaux-là, la majorité des consommateurs ne court absolument aucun danger et aucune déviation gustative ne peut être attribuée aux sulfites. Alors d'où vient que l'on s'inquiète encore autant de leur présence ? Peut-être du souvenir de ces vins qui donnaient ' la barre '. Rares sont les discussions qui ne les évoquent pas. Mais elles ne durent pas. Faute d'exemples récents, elles dévient rapidement sur d'autres sujets.Les critiques à l'encontre du sulfitage sont plus efficacement entretenues par les tenants d'une oenologie qui se voudrait biologique. Pour eux, le SO 2 est, avec les levures sèches actives, à l'opposé du naturel. Leurs opinions sont reprises en écho par la presse et sonnent, dans l'oreille du public, comme des idéaux à atteindre. Il a fallu en tenir compte. Au départ, c'était nécessaire. Dans les années 70, le ' soufre ' venait remplacer une hygiène défaillante. Cela ne pouvait pas durer. Il fallait obtenir des vins plus digestes et dont le goût ne soit pas marqué par celui de leur conservateur.Mais comme tout mouvement, celui de la baisse des doses a connu ses excès et atteint ses limites. Il s'est développé jusqu'à devenir, pour certains, une fin en soi. Ils ont voulu réduire le sulfitage en perdant de vue ses multiples justifications oenologiques. Ils ont dû faire marche arrière car ils ont vu apparaître des déviations microbiologiques dans leurs chais, souvent parfaitement tenus. Bon nombre de ces problèmes ont été provoqués par des Brettanomycès. Souvent, ces levures se sont développées parce que l'on avait des scrupules à entretenir des niveaux suffisants de SO 2 libre durant l'élevage des vins. D'autres caves ont vu le retour d'attaques bactériennes en fin de fermentation alcoolique. Elles avaient trop réduit les apports de sulfites à l'encuvage. Il a fallu se rendre à l'évidence : le SO 2 est nécessaire à toutes les étapes de la vinification, qu'il s'agisse de sélectionner la flore fermentaire, de bloquer des réactions d'oxydation ou de stabiliser les vins. Nous en sommes là. Aujourd'hui, la majorité de la profession a perdu ses complexes vis-à-vis du sulfitage. Elle s'en est débarrassé d'autant plus facilement qu'elle sait que dans un proche avenir, elle ne pourra pas le remplacer. Malgré cela, à la surface médiatique des choses, le sulfitage reste très contesté. Cela ne devrait pas durer car les arguments en faveur de sa toxicité s'amenuisent. On sait désormais qu'elle ne s'exprime qu'envers une infime proportion de consommateurs. Ceux-là ne tolèrent pas les sulfites, mais les autres les éliminent sans plus de difficultés que ceux qui se forment naturellement dans leur corps lors de la digestion d'aliments riches en protéines soufrées.