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Le nom de château

La vigne - n°112 - juillet 2000 - page 0

La revendication des vins de pays d'utiliser le terme château et les négociations en cours à Bruxelles sur le nouveau règlement étiquetage relancent le débat sur la mention château.

'L'utilisation du terme château ? La vigilance est plus que jamais de mise pour éviter les dérives. Malgré le décret de 1993, la pression commerciale est forte et le garde-fou juridique insuffisant. ' Ce responsable professionnel sait que le sujet est délicat. D'autant qu'un spécialiste du droit estime ' qu'il ne peut exister de définition juridique du terme château en raison de l'extrême diversité des situations acquises '. Sans règle précise, comment sanctionner l'abus ?Au plan juridique, trois textes sont à retenir. L'article 13 du décret du 19 août 1921 ' interdit l'emploi des mots tels que clos, château, domaine, tour, mont, côte, cru, monopole, moulin, camp, ainsi que toute autre expression analogue, sauf s'il s'agit de produits bénéficiant d'une appellation d'origine et provenant d'une exploitation agricole existant réellement '. Mais sous la pression du commerce (négociants, distributeurs, restaurateurs) et au vu de ' la noblesse de bon aloi ' que donne à une étiquette le terme château, son utilisation a gagné les vignobles français et notamment le Bordelais, berceau historique de ce vocable. Par crainte de banalisation, à la fin des années 80, une réflexion a été engagée entre les professionnels, l'Inao et la Répression des fraudes. Elle a abouti au décret du 7 janvier 1993. S'il consacre le principe ' une exploitation, un château ', il ne comporte pas d'avancée déterminante pour la définition du château viticole. Tout principe ayant immédiatement son exception, le texte autorise également deux noms de château au maximum par exploitation, sous condition d'une notoriété acquise depuis plus de dix ans. Cette disposition est le résultat d'un compromis, car de fortes dérives avaient été constatées, certaines propriétés possédant cinq, voire dix noms de châteaux. A l'époque, le professeur de droit Dominique Denis, spécialiste de la question, ne mâchait pas ses mots : ' L'emploi du terme château s'est répandu dans des conditions anarchiques. Il n'y a pas de lien entre le château viticole et la dimension du vignoble ou le style des constructions édifiées, l'existence de bâtiments, ou l'ancienneté de l'usage du mot. Le terme château est employé à tort et à travers, mais par trop de monde pour que des poursuites soient engagées. ' Au niveau européen - c'est le troisième texte -, le règlement 3201/90 du 16 octobre 1990 énumère la liste des termes autorisés en matière viticole. En langue française, il cite expressément château et domaine. Ces termes n'étant utilisables que dans les pays parlant français - sauf une dérogation au profit de la Grèce -, le risque de banalisation n'est ici que théorique. Le sujet redevient chaud aujourd'hui, car les demandes se précisent. En France, les vins de pays revendiquent le bénéfice de certaines mentions traditionnelles, dont château ; depuis 1973, les termes domaine et mas leur sont autorisés. La Confédération nationale des AOC s'y oppose formellement : ' Cela irait à l'encontre de l'image de prestige véhiculée par ce terme. ' Cependant, avec des vins de château à moins de 10 francs la bouteille dans les supermarchés, où est le prestige ? Dans tous les cas, le ministère de l'Agriculture n'a pas encore tranché. ' La question est plus politique qu'économique, indique un responsable national. Quand, dans les zones mixtes, un producteur peut utiliser château pour ses parcelles AOC et doit se ' contenter ' de domaine quand il s'agit de son vin de pays alors que son exploitation forme une entité, c'est discutable. ' Soulignons que l'utilisation du terme château n'est qu'une partie de l'iceberg, car pour ' vendanges tardives ', ' vins de paille ' ou ' élevé en fût ', l'enjeu est similaire. L'Inao a pris position contre une extension à d'autres catégories de vin que les appellations. Cette offensive des vins de pays ne vient pas par hasard. Elle est d'autant plus forte que la réforme de l'organisation commune de marché ouvre le chantier de l'étiquetage des vins. Le règlement d'application n'est pas attendu avant l'automne. Dans le Bordelais, vignoble vers lequel les yeux se tournent quand on parle de château, même si un gros travail a été fait, il reste encore du chemin. ' Souvent par ignorance, des producteurs croient qu'il suffit de déposer un nom de château en tant que marque à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour qu'il ait une réalité ', regrette un responsable syndical local. ' Quand la Répression des fraudes effectue un contrôle dans une propriété, les agents vérifient en premier lieu les marques existantes. Nombre de vignerons ont eu des surprises récemment. Il faut garder la pression et prôner l'autodiscipline ', indique le président des caves particulières d'Aquitaine, qui a fait de la ' question château ' le thème central de sa récente assemblée générale. ' Que ceux qui veulent créer de nouvelles marques le fassent, mais sans mentionner des termes réglementés comme château. ' Signalons enfin que l'arrêt de Calce - du nom d'une coopérative du Roussillon -, rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 29 juin 1994, accrédite, sous conditions strictes, l'utilisation du terme château dans les coopératives vinicoles (lire La Vigne de novembre 1999). Il faut notamment que la vinification soit séparée.

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