L'analyse du taux d'azote dans un moût permet d'apprécier sa fermentescibilité et d'évaluer la fertilisation de la vigne. Elle peut avoir lieu avant la récolte, pour anticiper les difficultés fermentaires.
Les analyses de pétioles ou de limbes permettent d'apprécier les niveaux de nutrition de la vigne en éléments minéraux et azote. En cours de végétation, un prélèvement permet d'effectuer un diagnostic de la situation nutritionnelle de la vigne. ' L'analyse pétiolaire est parfaite concernant le potassium et le magnésium. Mais elle s'avère insuffisamment précise pour l'azote. Ainsi, les variations pluriannuelles de ces analyses nous obligent à effectuer plusieurs estimations ', constate Jean-Pierre Soyer, de l'Inra de Bordeaux.Ces problèmes d'interprétation ont incité l'Inra à rechercher des normes permettant d'appréhender la quantité d'azote assimilable dans les sols. Leurs recherches ont démontré qu'il existe un lien étroit entre la teneur en azote des baies et celle du sol. Le taux d'azote des moûts serait l'un des indicateurs les plus fiables de la nutrition azotée de la vigne. ' Nous avons découvert que l'analyse de la concentration en azote du moût est très fiable et très rapide à déterminer, déclare Jean-Pierre Soyer. A partir d'une sélection de deux cents baies, nous analysons l'azote total, l'azote minéral ou encore l'azote assimilable par les levures. Les concentrations des différentes formes d'azote sont bien corrélées. ' Le choix du dosage dépend du matériel disponible et du coût de l'opération. L'azote minéral et l'azote assimilable sont déterminés par un unique dosage : l'indice de formol. Ce dernier met en évidence la teneur en ammoniac et en acides monoaminés du moût, qui sont les sources principales d'azote pour les levures. C'est cette mesure-là qui intéresse les oenologues. Malheureusement, on ne détermine pas encore systématiquement cette teneur. Pourtant, l'analyse de l'azote dans les moûts est de plus en plus pratiquée dans les laboratoires d'analyses oenologiques. L'analyse de l'azote du moût peut se faire à différents stades de la maturation. Les résultats au moment de la véraison et à maturité sont liés d'après les publications de l'Inra de Bordeaux. L'ICV (Institut coopératif du vin) compte vérifier ces données lors des prochaines vendanges. ' Si nous pouvons savoir avant les contrôles de maturité que la vendange sera carencée, ce serait un plus ', expose Jacques Rousseau, de l'ICV. Pour éviter de rentrer une vendange carencée en azote, il y a deux interventions possibles dans l'année. Avec une analyse de l'azote présent dans les grains avant leur maturation, on peut choisir entre un apport foliaire à la vigne ou un ajout au moût. La correspondance entre la teneur en azote du moût et celle dans le sol est différente selon le type de terrain. ' L'adaptation de la fumure par rapport à cette mesure reste encore très empirique. Il faut intégrer de nombreux paramètres pour déterminer le type et la quantité de l'apport ', constate Sylviane Leplatre, d'OEno Conseil (Hérault). En effet, c'est la dynamique de l'eau dans les sols qui détermine la facilité d'accès aux molécules azotées par les racines. D'ailleurs, on constate régulièrement que les moûts sont plus carencés en azote en zone méditerranéenne qu'en zone septentrionale. ' Si l'eau circule correctement (sol bien drainant ou bien alimenté), l'assimilation de l'azote par la vigne est facilitée. Dans le cas contraire, il y a plusieurs moyens d'intervenir : soit sur la dynamique de l'eau avec l'irrigation, soit sur la quantité d'azote disponible ', explique-t-elle. Dans un sol où l'eau est peu présente ou si sa dynamique est faible, un apport foliaire sera le meilleur remède. Il aura un impact sur la qualité de la vendange de l'année même. Un apport au sol sera inefficace. Tout stress hydrique ralentit la réactivité de la vigne vis-à-vis d'une fumure. Le type d'azote apporté est aussi un facteur stratégique : on doit adapter la formulation de l'azote en fonction de la vitesse de minéralisation dans le sol. Jacques Rousseau conclut qu' ' il est très difficile de corriger une carence située dans le raisin par l'intermédiaire de la fertilisation de la vigne. On risque toujours d'amener des excès de vigueur à proscrire ou des rendements excessifs. On n'arrive pas facilement à effectuer des corrections fines de l'alimentation en azote de la vigne '. Après des années d'observation, connaissant mieux le fonctionnement de l'assimilation azotée de chaque parcelle, on choisit mieux la fumure adaptée. L'enherbement du vignoble induit une compétition au niveau de l'azote. La vigne enherbée pourra présenter une baisse de vigueur et ses moûts auront des taux d'azote inférieurs. ' Pour fertiliser la vigne enherbée, on a intérêt à le faire directement sur le cavaillon. La vigne y aura un accès privilégié. Autrement, avec un apport total, on risque seulement d'accentuer la compétitivité de l'herbe ', conseille Vincent Dupuch, de la chambre d'agriculture de Blanquefort (Gironde). L'apport foliaire est une bonne solution de correction pour l'année en cours, mais reste assez délicat selon les concentrations apportées (risques de brûlures). Aujourd'hui, la plupart des laboratoires d'oenologie n'effectuent pas systématiquement les dosages d'azote dans les moûts. Cette analyse coûte environ 50 francs. ' Nous le dosons si nous constatons que la fermentation met du temps à s'enclencher ou si elle est languissante ', explique Sabine Garda, du Laboratoire oenologique départemental de Gaillac (Tarn). Si un moût est trop carencé en azote, la solution consistant à effectuer un apport combiné d'azote et d'oxygène dès que la densité a baissé de 20 points n'est pas idéale. Il vaut mieux apporter l'azote nécessaire aux levures dès l'ensemencement, pour qu'elles se développent tout de suite dans un milieu qui leur est favorable.L'équilibre entre les concentrations des molécules azotées d'un moût reste primordial pour le métabolisme levurien. L'ajout de quelques éléments manquants est souvent moins satisfaisant que si le moût avait été naturellement équilibré. Une fumure à la vigne, si elle est bien menée, aura donc un meilleur impact sur le vin qu'un ajout azoté dans le moût. Pour déterminer les besoins en azote d'un moût, il vaut mieux différencier les blancs des rouges. Or, cela n'est pas très courant. Les valeurs optimales admises sont de 200 à 3 000 mg/l d'azote total dans un moût. Le seuil de carence est de 150 à 180 mg/l d'azote assimilable pour les vins blancs. Le débourbage les dépouille parfois trop. La présence de pellicules dans les cuves de vins rouges en fermentation est très favorable au développement des levures.