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Les 'bayanus' n'en sont pas

La vigne - n°112 - juillet 2000 - page 0

Généticiens et oenologues ne parlent pas le même langage. Dans le monde du vin, ' Saccharomyces bayanus ' est considérée comme une race physiologique de ' Saccharomyces cerevisiae '. Or, c'est une espèce à part entière.

Selon les généticiens, Saccharomyces bayanus et Saccharomyces cerevisiae sont deux espèces distinctes. La première fermente plus lentement que la seconde. Elle produit moins d'acides acétique et malique. En revanche, elle donne plus de glycérol, d'acide succinique et de SO 2. D'après des études menées en Australie, pour un même moût, ces levures donnent des résultats différents à la dégustation.Les vins obtenus avec S. bayanus présentent un nez beaucoup plus complexe. Ils ont une plus faible part de notes fruitées et moins d'esters parmi les arômes de fermentation. Les différences de teneurs les plus notables entre les vins obtenus avec S. bayanus ou avec S. cerevisiae se font pour deux arômes : le phényl éthanol (arôme de rose) est cinq à huit fois plus présent, et l'acétate d'isoamyl (arôme de banane) est deux à huit fois moins présent quand S. bayanus effectue la fermentation. Selon la température, les quantités d'arômes émises par ces deux levures sont plus ou moins éloignées. A Bordeaux, les recherches sont centrées sur l'origine naturelle des Saccharomyces bayanus. Cette espèce est effectivement trouvée sur les baies de raisins blancs dans la région de Sancerre, de Sauternes et de Jurançon. Les chercheurs tentent d'utiliser leurs gènes spécifiques pour améliorer les levures oenologiques de S. cerevisiae. La société Pascal Biotech (Paris) fabrique une véritable levure S. bayanus au sein de sa gamme de levures sèches actives (LSA), la Fermol. Elle est commercialisée par Spindal (Seine-et-Marne). Il en existe plusieurs souches, dont une présentant une double fonction : elle a la particularité de posséder les gènes codant pour des enzymes à activité pectolytique. Les enzymes de la levure (la polygalacturonase, la pectine-méthyl-estérase et la pectine lyase) effectuent la clarification du moût pendant sa fermentation. Depuis 1996, avec la technique PCR, on a mis en évidence que toutes les levures commercialisées sous le nom S. cerevisiae, variété bayanus, étaient en fait des S. cerevisiae, variété cerevisiae. Parmi toutes ces souches, la Fermol est la seule à appartenir à l'espèce S. bayanus. Le changement de nom des levures complique encore la vie des vignerons et des oenologues. Depuis, les fournisseurs de levures n'ont pas tous changé les étiquettes de leurs emballages, et cela pour deux raisons : d'une part, ' les utilisateurs recherchent encore le terme bayanus pour exprimer les potentialités de la levure (cryophile et alcoogène) ', constate Didier Théodore, de la firme Burns (Maurivin) ; d'autre part, la loi n'a pas exigé la modification des étiquettes. ' Si la science a découvert la nécessité de distinguer ces deux espèces, les firmes doivent suivre ce mouvement ', ajoute Didier Théodore. C'est pourquoi Burns est en train de rectifier ses fiches techniques. Certaines firmes ont déjà effacé le terme bayanus de leurs étiquettes, comme Laffort (Gironde). Ils mettent en avant les propriétés technologiques de la levure et spécifient que la souche est une représentante de l'espèce Saccharomyces cerevisiae. Mais les vignerons s'y perdent et ' ils continuent à nous demander des Saccharomyces bayanus, constate un responsable de chez Laffort. Nous avons donc fait un pas en arrière par rapport à l'année précédente : le nom de notre levure est dorénavant Actiflore B, comme bayanus... ' De nombreux ' levuriers ' ont conservé le terme ' bayanus ', comme GLO/groupe OEno France (Hauts-de-Seine), LAP (Gironde), Littoral oeno (Hérault) et Begerow (Côte-d'Or). Ce nom sous-entend que la souche est capable d'effectuer une reprise de fermentation ou une prise de mousse. Chez LAP, Luc Chenard ajoute : ' Les utilisateurs ne comprennent pas les changements de cet ordre. Tant que la levure est efficace, il n'est pas utile d'expliquer à ses clients que la S. bayanus qu'ils utilisaient avec satisfaction est en fait une S. cerevisiae ! Le plus important pour une levure, ce sont ses capacités oenologiques, pas son nom d'espèce. ' La question demeure donc entièrement ouverte entre les plus conservateurs, déclarant continuer à utiliser ce nom, et ceux s'ajustant aux découvertes de la recherche.

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