La flash-pasteurisation consiste à éliminer les micro-organismes du vin en le chauffant vingt secondes à 72°C. Mais cette technique heurte quelques dégustateurs renommés.
'En France, nous avons encore l'image du vin mis en bouteilles à la lune montante. Alors parler de la flash-pasteurisation va complètement à l'encontre de l'imaginaire créé autour du vin ', témoigne un oenologue adepte de cette technique, qui souhaite rester anonyme... La discrétion entourant la flash-pasteurisation confirme que cette pratique n'est pas encore entrée dans les moeurs des vignerons français. ' Elle fait, à tort, penser au lait et à l'uniformisation du goût ', explique Yves Linarès, prestataire de service dans l'Aude.
L'initiative de la flash-pasteurisation revient logiquement à Pasteur. En 1866, il démontra que le chauffage d'un vin en bouteilles à 60°C permettait la destruction des ' ferments de la maladie ' sans altérer les qualités du vin, ni son potentiel de vieillissement. Le vin est amené le plus rapidement possible entre 72 et 76°C selon ses caractéristiques (voir tableau), il est maintenu à cette température pendant vingt secondes, puis il est ensuite ramené à une température ambiante. Le matériel utilisé est assez simple de conception et d'emploi (voir infographie), le point critique étant ' la précision de l'appareil, rappelle Robert Déjean, du laboratoire Déjean à Narbonne (Aude). Il faut absolument éviter toute variation de température et l'intrusion d'oxygène avec de mauvais raccords. ' Le coût de cette technologie varie de 10 à 25 F l'hectolitre, selon les volumes traités.
La flash-pasteurisation peut intervenir à différentes étapes de la vie d'un vin. Toutefois, elle est utilisée principalement ' comme une solution curative aux fermentations difficiles, précise Marc Dubernet, du laboratoire Dubernet à Narbonne. L'action de levures ou de bactéries indésirables peuvent favoriser l'acidité volatile qui s'accompagne souvent de déviations organoleptiques, parfois irréversibles. ' La flash-pasteurisation permet d'arrêter la fermentation. Le moût est assaini grâce à la chaleur qui élimine la flore levurienne et bactérienne. La fermentation peut alors repartir sur une base neutre après l'implantation d'un levain.
' Nous intervenons très souvent dans l'urgence, confirme Rudy Cools, de la Méditérannéenne d'embou- teillage dans l'Aude. Je demande alors au producteur de mettre le vin au froid pour stopper l'évolution bactérienne, et de préparer une cuve de réception impeccable. ' Si le recours à la flash-pasteurisation reste limité et surtout secret, c'est principalement parce que cette technique s'adresse à des vins ' à problème ' et qu'elle est vertement critiquée par quelques dégustateurs renommés. Mais ' contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette technique s'applique souvent à des vins de qualité, que l'on souhaite absolument garder, constate Robert Déjean. C'est une arme très efficace que je n'utilise pas de façon systématique. Cependant, quand on dispose d'un chai sensible à l'installation microbienne avec des vins à faible acidité, le recours à un appareil fixe peut être utile. '
Quant à l'éventuelle dénaturation du vin par la chaleur, selon de nombreux essais, ses qualités organoleptiques et sa capacité à vieillir ne sont pas amoindries. Ce n'est pas le cas avec la mise en bouteilles à chaud à 55°C.
Parmi les précautions à prendre avant de flash-pasteuriser, ' il faut que le vin soit clarifié, sinon les pellicules en suspension colmatent les plaques de l'échangeur ', rappelle Rudy Cools. Les matières en suspension peuvent aussi brûler et conférer au vin un goût de cuit.
La flash-pasteurisation n'est pas exclusivement utilisée en cas de fermentation bloquée. Elle peut aussi intervenir lors de la mise en bouteilles.
En règle générale, le vin est préalablement collé et pré-filtré. Après la flash-pasteurisation, il est de nouveau légèrement filtré, puis tiré en bouteille. Le risque microbiologique, si cher aux distributeurs français mais surtout aux Anglo-Saxons, est alors complètement écarté. De plus, ' les risques de précipitation tartrique sont limités par la dissolution des microcristaux de sels tartriques présents dans le vin, explique Marc Dubernet. Enfin, la chaleur assure la destruction de toute activité enzymatique éventuellement encore présente, et en particulier des activités oxydasiques. ' Le laboratoire Déjean mène des essais sur l'évolution des vins avec ou sans flash-pasteurisation lors de la mise en bouteilles.
L'union de coopératives Val d'Orbieu, dans l'Aude, a installé depuis plusieurs années la flash-pasteurisation sur sa chaîne d'embouteillage pour les bouteilles et les cubitainers, et bientôt pour les Bag in Box. ' Nous l'utilisons au coup par coup, selon le souhait de nos clients, explique Daniel Painvin, maître de chai. Sauf contre-indication, les vins destinés à l'export sont souvent flash-pasteurisés. Nous sommes ainsi certains d'être en dessous de 10 germes/litre. Il nous arrive parfois de l'utiliser pour certaines sorties en vrac. On se rapproche alors du chargement stérile. '
Avec l'apparition des flash-pasteurisateurs mobiles et l'exigence accrue des acheteurs en matière de sécurité alimentaire, bon nombre d'oenologues prédisent un bel avenir à la flash-pasteurisation. Toujours dans la discrétion