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Le point critique est atteint

La vigne - n°113 - septembre 2000 - page 0

Reprise économique et baisse du chômage, absence quasi systématique de logement et de déjeuner, contraintes administratives, conditions de travail difficiles et rémunérations jugées parfois insuffisantes, telles sont les principales raisons invoquées.

Après un tour de France des vignobles à la veille des vendanges, début septembre, le constat est clair : il est de plus en plus difficile de recruter des vendangeurs. Le problème n'est pas récent, mais il empire et devient critique. On manque même de main-d'oeuvre dans le Beaujolais, en Champagne ou en Bordelais. Rappelons qu'environ un tiers des 880 000 ha de vignes hexagonales est encore récolté à la main, ce qui nécessite un apport saisonnier d'environ 200 000 vendangeurs. Il n'est pas étonnant que la tentation d'utiliser la machine à vendanger soit si forte, y compris là où les décrets d'appellation l'interdisent encore. Plusieurs raisons, structurelles et conjoncturelles, expliquent cette difficulté à recruter.D'abord, la tâche en elle-même. Les conditions de travail et de salaire d'un vendangeur ne sont pas très attrayantes. D'ailleurs, ' s'il pleut le premier jour, une partie du personnel ne se présentera pas, constate Marie-France Candeau, directrice de l'ANPE (Agence nationale pour l'emploi) de Libourne (Gironde). En Alsace, trouver de la main-d'oeuvre est plus difficile lorsque les vendanges sont précipitées par les pluies : tous les vignerons cherchent au même moment, alors que les conditions de travail sont moins bonnes ', ajoute Simone Kieffer, de l'Association des viticulteurs d'Alsace. Les vignerons cherchent souvent à constituer leurs équipes dès juillet. Mais cela peut avoir un effet néfaste : plus les candidats signent tôt, plus il y a un risque de désistement. Certains signent parfois dans plusieurs propriétés et ne se présentent que là où va leur préférence. Certains vendangeurs se découragent. Il y a tellement de désistements qu'un vigneron peut embaucher jusqu'à trois fois plus de personnes que le nombre effectif de vendangeurs dont il a besoin ! Etant donné la précarité de ce travail, le nombre de désistements n'étonne même plus les services de l'ANPE... Ensuite, les vignerons qui logent et nourrissent leurs vendangeurs sont de moins en moins nombreux. C'est lourd, contraignant et le décret 95/978 du 24 août 1995 rend plus drastiques les conditions d'hébergement.Les candidats doivent pouvoir se loger, se déplacer et se nourrir. Seuls les citadins à proximité des vignobles s'y retrouvent financièrement. A titre d'exemple, en Champagne, l'ANPE a déjà organisé des covoiturages pour les personnes habitant loin des vignobles. ' Il est encore trop tôt pour effectuer un état des lieux des recrutements chez nous, explique Mireille Baumann, de l'antenne Alsace vendange de l'ANPE. Il y a toujours de la pression avant les vendanges pour trouver les 14 000 personnes nécessaires. Nous restons optimistes, car on peut s'attendre à ce que les vendanges en Alsace suivent celles du Beaujolais. Des vendangeurs pourront alors prolonger leur activité chez nous. ' Le Beaujolais nécessite environ 40 000 vendangeurs. A Bordeaux, en Bourgogne et en Champagne, où on attend respectivement plus de 14 000, 22 000 et 90 000 employés, il manque surtout des candidats chez les vignerons qui ne logent pas. De nombreux postulants extérieurs à la région se renseignent auprès de l'ANPE mais sont dissuadés par l'absence de prise en charge. ' Devant les difficultés, certains châteaux sont prêts à changer de politique, confie Nathalie Mamane, de l'ANPE de Langon (Gironde). Ils se rendent compte que pour trouver la main-d'oeuvre nécessaire, il faudrait peut-être augmenter les tarifs horaires, offrir la nourriture ou payer le camping. ' C'est aussi le cas dans le Médoc et le Haut-Médoc. Une réunion est prévue prochainement pour chercher des solutions à un problème devenu très préoccupant. Sur le plan économique, la croissance et un taux de chômage à la baisse ont réduit le nombre de postulants. ' Cet été, on a dû doubler nos affichages pour informer les chercheurs d'emploi que notre vignoble aurait besoin de personnel ', explique Bernard Defaux, responsable du service vendange de l'ANPE de Villefranche-sur-Saône (Rhône). D'autre part, les personnes de plus en plus nombreuses à occuper un CDI à temps partiel sont amenées à refuser un CDD pour ne pas perdre leur premier emploi ou une partie de leurs droits. Par ailleurs, un chômeur qui s'inscrit tôt pour effectuer les vendanges peut avoir la chance de trouver un CDI entre-temps. La source des étudiants commence également à se tarir avec des rentrées universitaires plus précoces. Concernant la main-d'oeuvre étrangère, les Espagnols et les Portugais ne se déplacent plus comme autrefois ; ils ont davantage de travail chez eux. Pour les pays extérieurs à l'Union européenne, il existe des quotas à l'embauche selon les nationalités. De plus, leurs formalités doivent être prêtes dès le mois de juillet. Au niveau des obstacles réglementaires, il est interdit aux personnes détenant un CDI et aux fonctionnaires à temps plein de signer un CDD pour effectuer les vendanges pendant leurs congés payés. Pourtant, ce cas de figure peut être rencontré ; ce sont souvent des proches qui rendent service à leur famille vigneronne. Tout n'est cependant pas négatif. Depuis une loi du 29 juillet 1998 portant sur l'emploi, il est possible de cumuler le salaire de vendangeur et la totalité des allocations telles que le RMI, et ce, au niveau national. La démarche administrative lors de l'embauche a été aussi grandement facilitée depuis 1996, lorsque le Tesa (titre emploi simplifié agricole) a été mis en place. Un seul formulaire, composé de folios autocopiants détachables, regroupe les formalités d'embauche et les fiches de paie. Ces carnets sont pratiques pour les vignerons qui remplissent leurs papiers manuellement. Devant cette situation, des propriétaires se tournent de plus en plus vers des prestataires de services. Mais attention, ils seraient bien avisés de vérifier que les vendangeurs pris en charge par ce prestataire soient bien déclarés à la MSA. Des cas de non-déclaration de vendangeurs et même de non-paiement ont déjà été signalés.

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