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La microflore des baies

La vigne - n°113 - septembre 2000 - page 0

Sur les raisins mûrs et surmûris se trouvent des levures, des bactéries et des champignons. Par son métabolisme, cette microflore accumule des substances combinant le SO 2

Les vins liquoreux, riches en substances combinant le dioxyde de soufre, doivent être beaucoup sulfités afin d'obtenir un minimum de SO 2 libre. La faculté de Bordeaux, avec le soutien financier de l'interprofession, travaille sur les origines multiples de ces substances combinantes. L'équipe de Bernard Donèche s'est penchée sur l'incidence de la microflore présente à la surface des raisins dans le vignoble du Sauternais.
Sur une baie saine, à maturité, cette microflore est composée essentiellement de levures (près de 90 %), mais aussi de bactéries et de champignons. Parmi les espèces levuriennes les plus fréquemment rencontrées (voir tableau), Kloeckera apiculata prédomine. Comme cela a déjà été observé ailleurs, les espèces du genre Saccharomyces sont rares. Les genres bactériens retrouvés sont indiqués dans le tableau. Quant aux champignons, les chercheurs ont trouvé un grand nombre de genres : Botrytis, Penicillium, Alternaria, Mucor, Rhizopus, Cladosporium, Chlaetocladium et Trichoderma.
Le plus souvent, les micro-organismes sont en situation de survie sur le végétal, où ils ne trouvent que peu de nutriments. Mais la présence d'eau, même temporaire, permet leur multiplication. Ce film favorise l'exsudation des constituants du raisin (sucres, acides organiques, acides aminés et ions minéraux) qui serviront de nutriments. Plus le raisin est mûr, plus sa pellicule laisse passer ces molécules.

Ces micro-organismes produisent des substances combinantes. En effet, les moûts issus de raisins mûrs, mais sans signe apparent d'altération, montrent déjà un pouvoir de combinaison du SO 2. Dans le cas des raisins les plus riches en micro-organismes, il fallait ajouter 300 mg/l de dioxyde de soufre au moût pour obtenir 50 mg/l de SO 2 libre !
Pendant la phase de surmaturation, le développement de la pourriture noble s'accompagne d'une multiplication exponentielle des levures et des bactéries à la surface de la baie. Cette multiplication sera beaucoup moins forte au cours de la déshydratation de la baie.
Les chercheurs ont montré que le pouvoir combinant des moûts issus de ces raisins surmûris semblait principalement lié à la densité des populations de levures et de champignons sur les baies. D'ailleurs, sur le terrain, ils ont observé que les pluies survenues pendant la période de surmaturation entraînaient une prolifération des micro-organismes et qu'en parallèle, le pouvoir de combinaison du moût progressait. En revanche, sans aucune précipitation pendant cette période, les populations microbiennes diminuent, le pouvoir de combinaison aussi.
L'humidité et la température jouent sur le développement de cette microflore. Il existe également un effet cépage. Dans le vignoble de Sauternes, les baies de sauvignon portent toujours plus de micro-organismes que celles du sémillon. Bernard Donèche explique que l'avance de maturité du sauvignon, plus précoce que le sémillon, se traduirait par une moindre résistance de la pellicule et une exsudation plus grande de nutriments. En laboratoire, l'équipe de la faculté de Bordeaux a étudié le comportement des micro-organismes par rapport à l'activité de l'eau (a w). Cette valeur aw correspond, dans une solution, à l'eau disponible pouvant entrer dans les réactions métaboliques. Chaque micro-organisme est capable de se développer dans une certaine gamme d'a w. Si les conditions climatiques permettent une présence d'eau sur le raisin, la pellicule laissera exsuder de petites molécules. Le film d'eau présent sur la baie aura ainsi une valeur d'a w favorisant certains micro-organismes.

En parallèle, les chercheurs de la faculté de Bordeaux ont voulu appréhender les antagonismes au sein de la microflore présente sur le raisin. Des inoculations ont été conduites sur des pommes en laboratoire. L'action inhibitrice de Kloeckera apiculata à l'égard de Botrytis cinerea est connue, les Acinetobacter peuvent aussi inhiber la croissance du champignon, et inversement, Botrytis exerce un effet antagoniste à l'égard des bactéries. Son action sur les levures est plus limitée et varie selon les genres étudiés. Ces études montrent cependant que les bactéries n'ont pas une incidence très significative sur l'importance des lésions provoquées par le champignon. En revanche, certaines levures, inoculées en même temps que Botrytis, conduisent à une diminution de ces lésions, notamment Metschnikowia pulcherrima, et Rhodotorula glutinis qui donne les résultats les plus notables.
Les exigences nutritionnelles de chaque micro-organisme, mais aussi les antagonismes existant entre eux, interviennent sur la composition de la microflore du raisin.
Pour Bernard Donèche, il n'est pas utopique de penser qu'on puisse jouer un jour sur l'activité de l'eau à la surface des baies, afin de tenter de maîtriser la microflore qui s'y développe. ' On peut, par exemple, imaginer contrôler l'activité de l'eau par la formulation des produits, et ainsi agir sur l'action de surface ', explique-t-il.


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