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Le 'raisonné' serait l'avenir du 'bio'

La vigne - n°114 - octobre 2000 - page 0

Les principales enseignes de la grande distribution française voient dans les vins issus d'une culture raisonnée, une production mieux adaptée à leurs besoins que les vins issus de l'agriculture biologique.

'Je pense que les vins de l'agriculture biologique n'ont pas d'avenir car il n'y a que quelques 'grands' qui peuvent réussir... Nous n'étions pas contre a priori, et ce que nous recevons, nous le goûtons. Mais à ce jour, nous n'avons rien trouvé de bon. Ces vins ne sont même pas moyens... La plupart du temps, ils sont oxydés. Il faut insister sur ce fait : ces vins ne sont pas bons. ' Cette déclaration est extraite de la récente étude de l'Onivins sur la position de la grande distribution (GD) à l'égard des vins ' bio ' et ceux issus d'une viticulture raisonnée. Début 2000, les responsables des achats de vins des neuf principales centrales d'achats (1) ont été interrogés sur leurs pratiques d'approvisionnement et leurs intentions de vente.Il ressort de ces interviews que le marché des ' bio ' constitue une ' niche ' commerciale réservée à une clientèle ciblée. Stratégiquement, la GD n'offre pas une réelle plateforme de développement à ces produits. Les débouchés des vins ' bio ' se situent davantage à l'export ou dans les magasins spécialisés. En revanche, la production raisonnée ressort comme un bon moyen de répondre aux attentes du consommateur. La majorité des acheteurs se déclarent prêts à développer ce type de produits si un cadre juridique suffisamment strict permet de définir les caractéristiques de l'agriculture raisonnée et d'en contrôler l'authenticité. Les critiques émises contre les vins ' bio ' ont peu évolué par rapport à 1998, date de la première enquête Onivins sur le sujet. Tout d'abord, les distributeurs regrettent que les propositions commerciales soient toujours aussi peu nombreuses. La société Biovidis, négociant spécialisé, est l'une des seules à offrir toute une gamme de produits. Elle représente un interlocuteur de poids en facilitant l'accès aux vins ' bio '. Ce fournisseur mis à part, les distributeurs n'ont pas d'autre choix que de partir à la chasse aux vignerons convertis. D'après plusieurs acheteurs, la pénurie de propositions reflète l'inorganisation de la filière. Pour Monoprix, il y a ' un réel besoin de travailler en amont car on trouve de tout chez les producteurs 'bio' : ceux qui le font pour des raisons commerciales et ceux qui le font par conviction '. Les critiques les plus sévères concernent la qualité moyenne des vins proposés et leurs prix élevés. Les acheteurs sont unanimes : il n'y a pas de différence qualitative par rapport aux vins de culture conventionnelle. Pire... une majorité déplore des vins ' inodores et sans saveur ', ' pas nets ', ' pas pro- pres '... Certains tempèrent : ' Lorsque ces vins sont très bons, il n'y a pas de volumes suffisants. Ils sont réservés à des spécialistes. ' Face à ce jugement de valeur, les prix élevés constituent un réel handicap. Les responsables de la GD comprennent que les vins ' bio ' soient plus chers (contraintes de production, faiblesse des rendements). Mais leur mauvais rapport qualité/prix empêche l'élargissement de leur clientèle qui reste très ciblée. Globalement, l'acheteur de vins ' bio ' est ' atypique ' pour la GD. C'est un adepte convaincu des produits ' bio ' et il dispose d'un fort pouvoir d'achat. ' Il ne faut pas espérer voir ces vins franchir la barre des 5 % du marché ', estime-t-on chez Auchan. Chez Cora, on explique la faible demande de vins issus de l'agriculture biologique par un manque de communication. Les difficultés évoquées sur ce marché spécifique constituent autant de freins à un développement durable dans les linéaires. Pourtant, les motivations de l'agriculture biologique (respect de l'environnement, authenticité des produits...) demeurent dans l'air du temps. Face à ce constat, les enseignes parient sur la culture ' raisonnée '. Carrefour a été la première enseigne à se lancer avec les producteurs de l'AOC Touraine-Amboise. Toutes les enseignes interrogées croient aux vertus de cette forme de production. Certaines voient là un moyen pour l'agriculture de regagner une crédibilité face aux inquiétudes sur la ' mal bouffe '. Dans leur ensemble, les responsables d'achats constatent que cette culture ' autorise des volumes plus importants ' et ' offre une garantie de prix raisonnables '. Bref, l'agriculture raisonnée pourrait bien représenter l'avenir du vin, mais à une condition : la législation doit encadrer cette forme de production. Sur ce point, les inquiétudes vont bon train : ' Quel cahier des charges ? Quelles seront les procédures de contrôle ? ', s'interroge un distributeur, avant de relever : ' Quand on voit les problèmes d'agrément des AOC, on ne peut être que sceptique... ' La confiance semble limitée et beaucoup souhaitent une intervention des pouvoirs publics. Reste le problème de l'articulation de la communication entre le ' bio ' et le ' raisonné '. Selon Leclerc, ' si le 'raisonné' se développe, il remplacera totalement le 'bio' '. Chez Casino, on veut ' éviter de créer la suspicion vers les vins traditionnels '. Que le ' raisonné ' soit l'avenir du ' bio ', peut-être... mais pas question d'introduire la révolution dans les linéaires de vins... (1) Leclerc Socomaine-Galec ; Scadif Leclerc ; Centrale Auchan ; SCA Vins Intermarché ; Centrale Casino ; Carrefour France ; Groupe Monoprix ; Prodis Boissons Carrefour France ; Centrale Opera (Cora/Casino). Cette étude est disponible auprès du service de la documentation de l'Onivins, 232, rue de Rivoli, 75001 Paris (300 F l'exemplaire).

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