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Quantifier précisément l e risque de dérive microbienne

La vigne - n°114 - octobre 2000 - page 0

Le dosage des sucres réducteurs n'est pas assez précis pour estimer la stabilité microbiologique d'un vin. Dans ce cas, mieux vaut mesurer le glucose et le fructose, deux sucres susceptibles d'être fermentés par des levures ou des bactéries.

Les sucres réducteurs sont dosés pour s'assurer qu'un vin est ' sec '. On estime qu'il l'est si cette teneur est inférieure à 2 g/l. Mais la véritable question que se pose l'oenologue en lisant le résultat de cette analyse est la stabilité microbiologique du vin. Or, le dosage des sucres réducteurs ne répond que partiellement à cette question, car elle mesure la force de réduction du vin. Seule la concentration en sucres fermentescibles a une véritable valeur technologique. Seuls ces derniers sont, par définition, métabolisables par les levures ou les bactéries de contamination, et à l'origine de maladies. La connaissance du taux de sucres réducteurs ne suffit donc pas.Certaines molécules réagissant aussi avec la solution cupro-alcaline interfèrent dans le dosage des sucres réducteurs. Elles faussent donc la perception de la teneur réelle en sucres fermentescibles. Parmi les molécules incriminées, on trouve les composés phénoliques, les peptides soufrés, les tannins du bois et les résidus de levures. Pour limiter leur interférence, il est possible d'éliminer les composés phénoliques. Les blancs élevés sur lies ou en barriques donneront des résultats d'analyse délicats à interpréter. Ceci est d'autant plus vrai pour les rouges tanniques élevés en fûts. Il est facile de connaître au milligramme près la teneur en fructose et en glucose d'un vin. ' Cette analyse n'est pas plus onéreuse que les autres analyses de routine, ni plus compliquée à mettre en oeuvre, explique Marc Dubernet, oenologue dans l'Aude. Le dosage enzymatique demande, en moyenne, 70 centimes de réactif. Ces concentrations peuvent aussi être mesurées par les rayons infrarouges. Cette méthode physique ne nécessite alors pas de réactif. ' Mais le glucose et le fructose ne sont pas les seuls sucres métabolisables par la flore du vin. En effet, le galactose, le tréhalose et le saccharose le sont aussi. Ces deux derniers sucres sont hydrolysables et donnent, pour le premier, deux glucoses et, pour le second, un glucose et un fructose. Pascal Chatonnet, oenologue au laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde), a constaté que parmi vingt échantillons de vins bordelais, le glucose et le fructose forment, en mo- yenne, 72 % des sucres réducteurs fermentescibles dans un rouge de moins de dix-huit mois, et 83 % dans un rouge de plus de dix-huit mois. La méthode enzymatique permettrait donc de mesurer les trois quarts des sucres ' à risques '. Si l'on veut doser l'ensemble des sucres fermentescibles, il faut au préalable hydrolyser le tréhalose et le saccharose, ce qui dure 30 min. Ce même échantillon a permis à Pascal Chatonnet de faire un constat plus alarmant. ' En moyenne, ces vins contiennent un peu moins de 0,5 g/l de sucres fermentescibles et toujours moins de 2 g/l de sucres réducteurs. Or, il faut 300 mg/l de sucres pour que la levure Brettanomyces synthétise 500 µg/l d'éthyl phénol, c'est-à-dire la quantité correspondant au seuil de perception de cette molécule. Les vins contiennent donc généralement une quantité potentiellement dangereuse vis-à-vis du développement de Brettanomyces ', explique-t-il. Le pH, le SO2 libre, l'oxygène et la température influencent aussi le métabolisme des levures. Il faudra raisonner ces facteurs en fonction de la présence de sucres fermentescibles. ' En suivant régulièrement les teneurs précises de sucres fermentescibles, il est plus facile de mettre en place une méthode prophylactique pour éviter au maximum les dérives ', précise Denis Durantou, du château L'Eglise-Clinet, à Pomerol (Gironde). Alain Vautier, du château Ausone, à Saint-Emilion (Gironde), a été confronté à une situation où ce dosage aurait également pu être utile : ' Lors des vinifications de 1983 (année chaude), il restait trop de sucres réducteurs dans nos vins. Nous avons donc réensemencé pour les éliminer. Mais nous nous sommes battus pour rien car ces sucres n'étaient pas fermentescibles. ' Les vins très riches et concentrés contiennent tout d'abord plus de molécules réagissant au dosage des sucres réducteurs. Cette richesse est aussi un obstacle à l'achèvement des sucres lors des fermentations. Pour ces deux raisons, le dosage du glucose et du fructose devient indispensable. Les concentrations exactes en glucose et fructose peuvent guider pour les assemblages. Si une cuve présente un taux jugé un peu trop élevé, il vaudra mieux l'assembler avec une cuve en ayant beaucoup moins. Paradoxalement, la méthode de référence d'analyse des sucres pour l'agrément est toujours celle des sucres réducteurs. La commission des méthodes d'analyse de l'OIV (Office international de la vigne et du vin) se penche sur une éventuelle modification de la législation. ' C'est inéluctable ', précise Marc Dubernet.

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