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L'observation, credo de Terra Vitis

La vigne - n°115 - novembre 2000 - page 0

Le bon usage des produits phytosanitaires passe par une observation accrue de la vigne. Cette vision de leur métier, cinquante-six vignerons du Beaujolais la concrétisent depuis deux ans au travers de leur marque déposée Terra Vitis.

'Pour qu'un projet aboutisse, il faut que plusieurs opportunités convergent en même temps, rappelle Bernard Mathieu, président de l'association Terra Vitis, dans le Beaujolais. Nos débuts dans la lutte raisonnée datent d'une dizaine d'années, mais en 1998, tout s'est mis en place naturellement. 'Avec cinquante-six adhérents en l'an 2000, Terra Vitis figure parmi les précurseurs de la lutte raisonnée en France, avec l'association alsacienne Tyflo. ' La génèse de l'association remonte à 1989 où nous étions un petit groupe de vignerons à faire de la lutte raisonnée, poursuit Bernard Mathieu. Nous nous étions connus lors d'un stage sur les maladies de la vigne, organisé par le Comité de développement du Beaujolais (CDB). Nous trouvions que la lutte raisonnée était un bon compromis entre le respect de l'environnement et des consommateurs, et la rentabilité économique d'une exploitation. ' Au fur et à mesure des années, ce groupe de vignerons a souhaité mettre en place une démarche comprenant l'ensemble de l'exploitation et non plus une parcelle d'observation. Un voyage en Suisse, pays où la lutte raisonnée est développée, conforte leur sentiment d'être sur la bonne voie. ' En 1996, nous avons eu envie de communiquer auprès du consommateur, explique Bernard Mathieu. Comme nous ne pouvions pas être juge et partie, nous avons créé une association pour pouvoir faire appel à un organisme extérieur pour les contrôles. ' Commencent alors la rédaction d'un cahier des charges et la recherche d'un nom évocateur. L'association est créée en 1998 et compte vingt-et-un adhérents : la marque Terra Vitis garantit la traçabilité du produit et le respect de l'environnement et de la faune auxiliaire. Dans le vignoble, les réactions sur Terra Vitis divergent. ' Les responsables syndicaux, l'interprofession et les dirigeants du monde agricole nous ont vite soutenus, précise Bernard Mathieu. La chambre d'agriculture du Rhône a mis à notre disposition un technicien à trois quarts de temps. En revanche, beaucoup de vignerons trouvaient qu'il y avait déjà assez de contraintes dans leur métier sans en rajouter. 'L'adhésion à Terra Vitis suppose en effet quelques contraintes, principalement en disponibilité. L'observation assidue de toutes les parcelles de vignes et la tenue d'un cahier d'exploitation détaillant tous les travaux effectués nécessite une certaine discipline. Chaque année, une auditrice du CDB vient regarder le cahier du vigneron et vérifie que les travaux opérés sur la vigne et à proximité du vignoble (enherbement, entretien des talus, etc.) sont bien faits. Le bureau Véritas, de son côté, contrôle tous les nouveaux adhérents et 50 % des anciens adhérents. ' Environ 10 % des dossiers sont refusés, principalement en raison de l'utilisation trop importante de produits phytosanitaires, explique Bernard Mathieu. Le vigneron ne peut alors pas utiliser la marque Terra Vitis pour le millésime concerné. Ces ajournements ont toujours été compris car, à chaque fois, les vignerons sont revenus l'année suivante en ayant rectifié le tir. ' Sur le dossier sensible de la machine à vendanger, l'association n'émet pas d'opinion défavorable ' si l'utilisation de la machine se fait dans le respect de notre cahier des charges '. Côté vinification, le cahier des charges de Terra Vitis est assez souple. ' Nous laissons les vignerons libres de vinifier comme ils le souhaitent avec, bien sûr, l'interdiction d'utiliser des levures OGM et en préconisant les pratiques économes en énergie ', précise Bernard Mathieu. Là encore, les vignerons sont tenus de remplir un cahier de vinification, qui permet d'établir la traçabilité du vin de la vigne à la bouteille, ainsi qu'un plan d'hygiène. Avec une production de 42 260 hl, soit à peine 3 % de l'ensemble des vins du Beaujolais, Terra Vitis a encore quelques étapes à franchir pour accéder à une plus grande reconnaissance de la part des consommateurs. L'association souhaiterait franchir le cap des trois cents vignerons (10 % du vignoble) d'ici deux à trois ans. La clé du développement passe aussi par les négociants locaux. Jusqu'ici, ceux-ci payaient un supplément de 150 F par pièce de 215 hl de beaujolais Terra Vitis. Cette année, les négociants règleront 50 F HT par pièce au vigneron et 50 F à Terra Vitis. Les derniers 50 F devraient être affectés à la mise en place de contre-étiquettes expliquant la marque Terra Vitis sur les bouteilles des négociants. L'autre axe de développement est déjà en marche. La marque Terra Vitis gagne d'autres régions viticoles. ' Plus on sera nombreux, plus notre marque aura de l'impact, se félicite Bernard Mathieu. Terra Vitis vient de signer plusieurs contrats de cession de marque avec des caves coopératives et des vignerons indépendants du Languedoc-Roussillon, ainsi qu'avec l'association Apivas dans le Val-de-Loire. D'autres contacts sont pris avec des vignerons du Sud-Ouest. ' Une fédération nationale est en train de voir le jour pour faciliter l'organisation et les contrôles, mais aussi pour rester maître de la marque et éviter l'intégration avec un cahier des charges d'un distributeur. Car à l'heure actuelle, l'éventualité de signer une exclusivité avec une enseigne, dans le cadre d'une filière ou d'une marque de distributeur, est formellement écartée.

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