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Arménie : le réveil après le chaos

La vigne - n°115 - novembre 2000 - page 0

Au cours des années 1990, la superficie du vignoble arménien a été divisée par deux et la production de vin par quatre. Mais aujourd'hui, des investisseurs étrangers s'intéressent à nouveau à ces vignes.

L'Arménie est un petit pays essentiellement montagneux, peuplé de trois millions d'habitants. Située au sud du massif du Caucase, la vigne y est présente depuis sept mille ans. La conjugaison du tremblement de terre de 1988, de la dislocation brutale du bloc soviétique et de la guerre dans le haut Karabakh ont précipité ce pays, pendant la décennie écoulée, au bord du chaos économique. En dix ans, un million d'Arméniens sont partis. La filière du vin s'est écroulée : si à l'époque soviétique, l'Arménie produisait jusqu'à 300 000 tonnes de raisin par an à finalité de vins, brandies et mousseux, aujourd'hui, la superficie en vignes cultivées est tombée à 15 000 ha, la production à environ 115 000 tonnes de raisin pour 65 000 hl de vin. Une bonne partie du vignoble, mal entretenu, ne produit rien ou a été arraché, notamment avec le plan Gorbatchev.L'Arménie est le premier pays de l'ex-URSS à avoir réalisé, dès 1991, une réforme agraire complète, en redonnant à des propriétaires privés les terres détenues jusqu'alors par l'Etat. La privatisation de l'industrie viticole a débuté en 1995. La taille moyenne par unité familiale agricole se situe entre 1 à 2 ha. Mais le manque de moyens financiers a empêché les paysans d'utiliser des engrais, des produits phytosanitaires et du matériel.Les besoins sont immenses, ce qui pourrait intéresser les fabricants français de matériels. Par ailleurs, l'inflation a renchéri le coût de tous les matériels et les centres de services agricoles, dépendant du système collectif, ont été dissous avant que les mé- canismes du marché aient le temps de les remplacer. Le manque d'énergie a même conduit à l'arrachage de ceps pour en faire du bois de chauffage ! Environ 90 % des vignes sont plantées francs de pied. La rigueur des hivers (jusqu'à - 30°C) oblige les producteurs à butter chaque cep en automne pour le dégager au printemps. Les nouveaux hybrides (karmreni, megrabuyr, burmunk...) sont, eux, plus résistants au froid. Tant bien que mal, le centre de recherche en viticulture d'Erevan conserve une collection expérimentale d'une centaine de nouvelles variétés. En été, les journées sont sèches et chaudes, le thermomètre montant souvent à 40°C, et les nuits sont fraîches. Avec un tel climat, les raisins sont très sucrés, atteignent naturellement 12 à 15° et sont riches en arômes. Cela donne des vins complexes, concentrés et fruités. Ici, la gamme des vins est très large avec, dans les deux couleurs, des secs, des demi-secs, des vins de dessert type xérès, des muscats et des vins de liqueur. Mais le brandy est, depuis plus d'un siècle, le produit le plus réputé de la viticulture arménienne. A la production, le kilo de raisin est acheté autour de 1 F, quelques catégories sélectionnées atteignant le double. Un vin de milieu de gamme se vend entre 6 et 14 F la bouteille, les vins fins valent de 18 à 24 F. Pour les brandies, il faut compter de 30 à 36 F, les hauts de gamme (brandies de marque) pouvant atteindre 180 F la bouteille de 50 cl. A titre de comparaison, en Arménie, le salaire moyen mensuel officiel est à 200 F par mois ! Dans ce tableau assez noir, il y a des signes d'espoir. D'abord, les pouvoirs publics arméniens veulent relancer l'agriculture. Un programme d'investissements a été approuvé en septembre : il s'élève à 22 millions dollars pour 2001. Ensuite, des programmes de financement européen sont en cours. Enfin, les investisseurs étrangers s'intéressent à l'Arménie : dans la production et le traitement de denrées alimentaires et de boissons, ils atteignent 5 millions de dollars sur le premier semestre 2000. D'après un spécialiste, ' ce pays possède un bon système éducatif et une population plutôt formée. De par sa situation géographique, c'est une plate-forme pour être présent en Turquie orientale, en Iran du Nord, en Russie du Sud, voire en Asie centrale '. Dès 1997, la société française Castel a signé un accord avec la société arménienne SIL Groupe, établissant la création de deux joint-ventures. C'était un investissement de 18 millions de dollars. Pour sa part, après plusieurs tumultes politiques, Pernod-Ricard a acquis Yerevan Brandy Compagnie (YBC), le numéro un du brandy dans le pays, une véritable institution. D'après Pierre Lareche, le directeur de l'usine, ' le marché russe est attractif par ses volumes, mais aussi par la faiblesse de ses taxes '. Le groupe français fonde de grands espoirs dans cette acquisition. Près de 150 000 bouteilles seraient vendues en Ukraine et en Biélorussie. Une première. Parmi les marques connues appartenant à Pernod-Ricard, citons Nairi, Ararat, Akhtamar, Vaspourakan et Dvin. Certaines entreprises viticoles, notamment dans la région Vaïots Dzor (Areni JSC, Ginetas LtD, Van 777, Kimley), sont également financées par un programme de soutien du Département américain à l'agriculture. D'après le manager de l'entreprise viticole Ginetas LTD, ' les vins d'Arménie font l'objet d'une demande croissante à l'étranger, notamment aux Etats -Unis, à Chypre et en Allemagne '. Des Italiens seraient également prêts à investir.

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