Inquiets des conséquences de l'introduction d'OGM dans leur métier, des professionnels bourguignons réclament un moratoire de dix ans avant toute mise sur le marché afin de mieux mesurer les risques.
Durant l'été 1999, un petit groupe de producteurs (vignerons et négociants) s'est constitué. ' Nous nous sentions concernés par le débat général sur les organismes génétiquement modifiés. Nous nous demandions aussi si des OGM avaient déjà été introduits dans notre filière, où en était la recherche, quels étaient les risques liés aux OGM dans notre métier ? se souvient l'un des participants. Nous avons donc fait venir des spécialistes de tous les horizons et de toutes les convictions pour mieux comprendre le problème et réussir à nous faire une opinion. 'A la lumière de ces réunions, les professionnels ont rédigé un texte concis présentant leur analyse de la situation, leurs craintes et leurs souhaits. Ce petit manifeste a d'ailleurs été baptisé L'appel de Beaune par le quotidien Le Monde. Les organismes génétiquement modifiés sont-ils une source de progrès pour la production de vins d'AOC en Bourgogne ? C'est à cette question, entre autres, que ces vignerons et ces négociants ont souhaité répondre. Concernant les levures génétiquement modifiées, les réactions sont tranchées et unanimes. ' Les risques de dissémination dans l'environnement, et donc de modification de la flore indigène, sont importants. Cela risque d'altérer la typicité de nos vins. De plus, dès lors que la levure sort du laboratoire, le phénomène est irréversible et incontrôlable. Et tout cela pour gagner quoi ? pour répondre à quel besoin ? ' En attendant que des garanties soient apportées pour éliminer le risque de dissémination, les professionnels bourguignons demandent qu'aucun développement de micro-organisme OGM ne soit entrepris. Concernant les plants génétiquement modifiés, les avis sont plus nuancés. ' Dans l'avenir, il est possible que les OGM apportent une solution à telle ou telle maladie, reconnaît Frédéric Mugnier, vigneron à Chambolle-Musigny. Il n'est donc pas question de les exclure. ' Cependant, le vigneron rejette l'argument selon lequel les plants OGM permettraient de moins traiter. ' L'expérience acquise dans les grandes cultures montre que le nombre de traitements ne diminue pas. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant car ceux qui ont mis au point les semences OGM sont également des vendeurs de produits. ' Des interrogations existent aussi au sujet de la diversité génétique du vignoble. Quelles seraient les conséquences de la plantation d'un clone OGM unique sur la qualité des vins et l'expression des terroirs, pourtant indissociable de la notion d'AOC ? L'intro- duction d'un gène dans la plante pour résister à une maladie peut-elle modifier sa sensibilité à d'autres maladies ou avoir des conséquences sur la qualité du vin ? Autant de questions auxquelles les professionnels souhaitent que la recherche réponde avant de lancer des plants génétiquement modifiés dans la nature. Un moratoire de dix ans est demandé avant toute mise sur le marché. Enfin, ils demandent que la recherche ne soit pas exclusivement orientée vers les OGM et que d'autres pistes alternatives, comme les défenses naturelles de la vigne, soient étudiées. Une fois le décor planté et les objectifs fixés, la trentaine de vignerons et de négociants participant à ce groupe de réflexion informel ont souhaité s'organiser pour agir. L'association Terre et vin de Bourgogne a donc vu le jour. Elle tenait son assemblée générale constitutive le 12 octobre dernier. Les membres de l'association continueront à s'informer en recevant des conférenciers. Ils souhaitent aussi agir auprès des organismes publics et professionnels (Inao, Inra...) pour obtenir la mise en place d'un moratoire de dix ans. ' L'association est ouverte à tous les professionnels bourguignons souhaitant s'informer. Nous aimerions aussi que des groupes se constituent dans d'autres régions. Cela nous permettrait d'échanger des informations avec eux et de donner encore davantage de poids à notre action ', reconnaît Jean-Pierre de Smet, producteur à Premeaux-Prissey. Dernièrement, l'association bourguignonne a sollicité le soutien de grands domaines européens pour faire face à un projet du Parlement européen. Le texte sur la commercialisation du matériel végétal devrait en effet être revu sous peu de sorte à ouvrir la porte aux OGM. Les membres de l'association, l'ensemble des signataires des autres vignobles français et européens demandent aux députés européens un moratoire de dix ans avant toute mise sur le marché d'OGM concernant la vigne et le vin. Un dossier sera envoyé à chaque député européen pour exposer la position des producteurs. ' Sans notre travail de veille et d'information, nous n'aurions probablement eu connaissance de ce texte qu'après le vote, donc trop tard. Or, nous ne voulons pas que les décisions nous concernant au premier chef soient prises derrière notre dos et sans notre consentement. C'est toute la raison d'être de l'association ', conclut Anne-Claude Leflaive, vigneronne à Puligny-Montrachet et présidente de l'association. En savoir plus : Terre et vin de Bourgogne : ogm-bourgognewanadoo.fr