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Expliquer les préférences des consommateurs

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

Des méthodes venues de l'agroalimentaire tentent d'expliquer les goûts des consommateurs, à l'aide d'outils mathématiques et de dégustateurs avertis.

Lorsqu'un consommateur achète un vin, ses critères de choix sont multiples. Cependant, la qualité du vin reste un élément déterminant. ' Mais les consommateurs ont du mal à expliquer leurs préférences ', soulignait Huguette Nicod, professionnelle de l'agroalimentaire, lors du dernier Congrès des oenologues. Dans ces conditions, comment comprendre leur comportement ?' Aujourd'hui, on a les outils mathématiques qui permettent de corréler les résultats des tests de consommateurs aux dégustations réalisées par un jury entraîné ', poursuit Huguette Nicod. Le principe est simple : faire déguster les mêmes vins à deux groupes d'individus. Le premier, constitué de dégustateurs formés et entraînés, réalise une analyse sensorielle objective en donnant, pour chaque vin, une série de descripteurs avec leur intensité respective. Ce jury est en quelque sorte un appareil de mesure. En parallèle, les vins sont soumis à des tests hédoniques ' qui visent à évaluer le niveau de satisfaction des consommateurs par rapport aux qualités du produit, en faisant abstraction de son environnement : l'emballage, le prix, la marque... ' explique Huguette Nicod. Les outils mathématiques, nourris des résultats de ces deux dégustations, permettront de représenter graphiquement les préférences des consommateurs et d'identifier les profils sensoriels des vins appréciés : c'est la cartographie des préférences. Plus un consommateur est près d'un vin sur le graphique, plus il l'aime. Et ce vin se situe géographiquement près des descripteurs qui lui correspondent le mieux. Cette carte permet donc d'appréhender les goûts des consommateurs. Cependant, ceux-ci ne fonctionnent pas comme un seul homme. Certains aiment des vins que d'autres rejettent. On voit donc se constituer des groupes de préférences. Depuis 1996, l'Institut co-opératif du vin mène de telles études. Lors du Congrès des oenologues, Dominique Delteil, directeur scientifique de l'ICV, présentait l'une d'elles, menée en région parisienne, sur six vins rouges achetés en grandes surfaces. ' Ces vins ont été choisis pour représenter au mieux le coeur de gamme de ce lieu d'achat, avec des prix autour de 15 F ', précise Dominique Delteil. Le groupe d'experts de l'ICV les a décrits à l'aide de treize descripteurs aromatiques et gustatifs. Puis ces vins ont été soumis à l'appréciation de cent personnes. Ces individus n'ont pas été pris totalement au hasard, quelques questions préliminaires leur ont été posées : achetez-vous régulièrement du vin, en consommez-vous régulièrement, achetez-vous des vins entre 12 et 20 F ? Si les réponses étaient positives, la dégustation pouvait démarrer. Les consommateurs devaient traduire leurs jugements en traçant une marque sur un segment : plus la marque était éloignée de l'origine du segment, plus le vin était apprécié. Le graphique ci-contre découle de la confrontation des résultats de ces deux dégustations. ' Il permet de déceler rapidement les points communs des vins qui plaisent au plus grand nombre, et ceux qui plaisent à une minorité ', décrit Dominique Delteil. A chacun ensuite de décider du positionnement de son vin, et de modifier les pratiques viticoles ou oenologiques pour y parvenir. Olivier Brun, avec la section vignobles et recherches de Mumm Perrier-Jouët, travaille sur l'analyse sensorielle depuis près de six ans et fait appel régulièrement aux méthodes statistiques de cartographie des préférences. Un test, réalisé en 1998, visait à établir les caractéristiques sensorielles entrant dans l'appréciation d'un vin de Champagne, mais aussi à appréhender l'influence de la marque. Ainsi, huit champagnes bruts sans année, situés en moyen et haut de gamme, ont été caractérisés par un jury entraîné de six-huit personnes, qui a établi les profils sensoriels de chacun. Ces mêmes vins ont été notés par quatre-vingt quatre consommateurs. Les personnes choisies pour la dégustation consommaient du champagne au moins une fois par trimestre. Avec ce panel, deux dégustations ont été réalisées : l'une à l'aveugle, l'autre avec la présentation de la bouteille. Lorsque la marque apparaît, les moyennes des notations progressent pour tous les champagnes. ' La marque a une influence non négligeable sur les appréciations ', souligne Olivier Brun. Ces tests ont permis de mettre en évidence, pour les vins dégustés, trois zones de préférences et une zone de rejet, caractérisées chacune par des descripteurs particuliers. ' Il faut voir, en terme de production, ce que l'on peut faire derrière, explique Olivier Brun. Il y a des actions immédiates pouvant être mises en place, notamment au niveau des assemblages. ' Nos concurrents s'intéressent aussi à ces méthodes. C'est le cas de l'américain Gallo qui distribue aujourd'hui ses vins sur de nombreux marchés internationaux et cherche, pour chacun d'eux, à identifier les qualités sensorielles appréciées par les consommateurs.

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