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L'enroulement, une virose trans mise par des cochenilles

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

On connaît désormais trois cochenilles vecteurs de l'enroulement. La découverte de leur rôle dans la transmission de cette virose pourrait entraîner une révision de leur statut de ravageurs secondaires de la vigne.

L'enroulement viral se rencontre dans la plupart des régions viticoles françaises et sur de nombreux cépages. Actuellement, huit sérotypes (ou souches) différents du virus sont connus à travers le monde. Les sérotypes 1 et 3 prédominent en France. Les symptômes externes se présentent sous la forme d'un enroulement foliaire vers l'intérieur, avec un changement de coloration entre les nervures. La transmission des virus par les bois et plants de vigne est bien connue, mais une transmission au vignoble semble aussi possible. En effet, des travaux de l'Inra ont récemment montré que plusieurs espèces de cochenilles étaient capables de transmettre les types 1 et 3 du virus. Ces travaux se sont déroulés dans trois régions septentrionales : la Bourgogne, l'Alsace et la Champagne.
Les cochenilles sont des insectes piqueurs-suceurs de sève appartenant au groupe des hémiptères, comme les cicadelles, les mouches blanches ou les pucerons. En France, sur la vigne, on connaît actuellement neuf espèces différentes de cochenilles. Leur répartition n'est pas précise, mais elle est de mieux en mieux connue. Par exemple, au cours de l'année 2000, la cochenille du platane (Phenacoccus aceris), seulement connue en Bourgogne, a été découverte dans le vignoble alsacien. Les femelles n'ont pas d'ailes, contrairement aux mâles, et ont donc un pouvoir de déplacement limité. Leur dispersion peut s'effectuer alors par le vent, sur des feuilles arrachées, ou par les outils de taille ou les machines utilisées dans les parcelles.
Les travaux de l'Inra montrent que trois espèces de cochenilles sont capables de transmettre les virus de l'enroulement dans les régions septentrionales. La cochenille bohémienne (Heliococcus bohemicus) et celle du platane (Phenacoccus aceris) sont capables de transmettre les sérotypes 1 et 3. Par ailleurs, la cochenille du cornouiller (Parthenolecanium corni) est vecteur du type 1. D'autres espèces peuvent être suspectées au regard des travaux étrangers : c'est le cas de la cochenille du citronnier (Planococcus citri), de celle du ficus (Planococcus ficus) et des cochenilles floconneuses. Il serait utile de prolonger cette étude dans les vignobles du sud de la France, où la faune est différente du nord.

Les trois espèces vectrices identifiées par l'Inra n'ont qu'une génération par an sous nos climats. Elles sont polyphages, c'est-à-dire qu'on peut les capturer sur diverses plantes, principalement des arbres (platane, marronnier, chêne, etc.). P. corni est connu sur 350 espèces végétales ! Nous avons d'ailleurs élevé expérimentalement P. aceris sur des tubercules de pomme de terre. La vigne constitue donc un hôte végétal parmi d'autres, mais sur lequel les cochenilles peuvent pulluler. Dans les parcelles expérimentales bourguignonnes et champenoises, nous pouvions capturer plusieurs centaines d'individus par cep, avec souvent plus de cent larves par feuille en été. La pression dans le vignoble français est cependant faible ; avant que les cochenilles ne soient considérées comme des vecteurs de l'enroulement, elles étaient classées parmi des ravageurs de moyenne importance.
En terme de lutte, seule la lutte chimique a actuellement un impact sur les cochenilles. En cas de pullulation, ces insectes déposent de grande quantité de miellat sur les feuilles et les raisins, sur lesquels se développe la fumagine, entraînant une dépréciation du produit. Les traitements (à base de quinalfos, parathion-méthyl, méthidathion, etc.) ne sont pas efficaces à 100 % et posent le problème de pollution de l'environnement. C'est pourquoi à la suite de l'étude présentée ici, des recherches sont en cours pour évaluer l'impact des ennemis naturels des cochenilles (espèce, spécificité, répartition) et pour étudier la faisabilité d'une lutte naturelle par lâchers de guêpes parasites de cochenilles. Les guêpes parasites ont pour cible les oeufs, les larves ou les adultes de cochenille, en pondant leur propre oeuf qui se développera ultérieurement aux dépens de leur hôte. Ce genre d'étude est engagé sur plusieurs années et pourrait connaître un certain succès à l'image des travaux menés dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis.
Les études de vection vont être nécessaires pour comprendre tout le processus de contamination au vignoble. Quid du temps d'incubation du virus dans la cochenille ? Quid du temps suffisant pour inoculer une vigne saine ou du temps durant lequel les particules virales persistent dans l'insecte vecteur ? Par ailleurs, les premières recherches françaises ont mis en évidence les cochenilles, mais d'autres insectes pourraient être impliqués à terme. Ces différentes études ne peuvent se faire sans un partenariat entre les différents organismes. Les données de terrain (présence anormale de cochenilles ou de symptômes) devront être signalées aux services de la Protection des végétaux et seront d'une aide précieuse pour les scientifiques.

(1) Inra de Dijon,

E-mail : sforza23@aol.com

(2) Inra de Colmar.

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