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Rio Negro : De la vigne dans des oasis de la Patagonie argentine

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

Avec ses 5 470 ha de vignes, la vallée du Rio Negro souhaite attirer les investisseurs pour exploiter un potentiel intéressant.

L'Argentine, cinquième producteur de vin au monde, avec 12,6 millions d'hectolitres en 2000, est surtout reconnue pour ses vins issus de la région de Mendoza, à l'ouest du pays, au pied de la cordillère des Andes. Mais les 5 470 hectares de vignes de la vallée du Rio Negro produisent aussi d'excellents vins blancs et vins rouges. Dans cette région du nord de la Patagonie, située à 1 200 kilomètres au sud-ouest de Buenos Aires, les premiers ceps ont été introduits par les Européens au début du siècle. L'aspect désertique de cette province paraît de prime abord incompatible avec la culture de la vigne, mais la présence du fleuve Rio Negro génère des oasis de verdure sur quelques centaines de kilomètres.
L'irrigation est non seulement autorisée par la loi argentine, mais également indispensable à la culture de la vigne tant le climat est ici aride, comme à Mendoza d'ailleurs. L'eau du fleuve arrive par des canaux d'irrigation ou par un système de goutte à goutte. Cette vallée offre un climat intéressant : ' Des hivers rigoureux, des étés aux journées chaudes et aux nuits froides, entre 150 et 200 mm de précipitations par an ', décrit Anibal Cantisani, directeur de l'Instituto Nacional de Vitivinicultura du Rio Negro (INV). La sécheresse rend le risque de maladies très faible et un traitement de soufre à l'année est souvent suffisant. Les écarts de température offrent une maturation lente et équilibrée des raisins.
Le Rio Negro regroupe 4 % des caves argentines (appelées ici bodegas) et fournit 0,5 % de la production nationale de vin. Il s'agit essentiellement de caves familiales à faible production pour lesquelles exporter est exclu. Le vin de table représente encore les quatre cinquièmes de la production de la région. Mais quelques bodegas disposent de moyens financiers et technologiques leur permettant de rivaliser de plus en plus avec leurs ' concurrents ' de Mendoza. Humberto Canale est le plus important producteur de la région. Il emploie 15 personnes à temps plein. 80 % du raisin vinifié proviennent de ses 145 ha de vignes, le reste étant acheté à d'autres producteurs à un prix variant entre 0,35 et 0,40 dollar par kg (1$ = 7,50 F).
Ici, les chais ont été modernisés récemment et une partie du vignoble se reconvertit avec des cépages améliorateurs. Les vendanges sont effectuées manuellement et le raisin est transporté en caissettes. Les cépages sauvignon, merlot, malbec et pinot noir entrent dans la composition des rouges alors que les blancs sont élaborés à partir de sémillon, sauvignon blanc, chardonnay et torrontes. ' Le sémillon et le merlot se plaisent particulièrement bien dans la région et donnent d'excellents résultats ', souligne Marcelo Miras, l'oenologue de la bodega.

' Nous avons la chance d'obtenir des vins dont les degrés alcooliques naturels oscillent entre 11 et 14 ', précise-t-il, car la chaptalisation est interdite en Argentine. Sur les 1,2 million de bouteilles produites par Humberto Canale, 25 % sont exportées vers les Etats-Unis, le Canada, l'Angleterre, l'Europe du Nord et le Japon. Le prix consommateur à l'export varie entre 12 et 15 dollars la bouteille. ' Notre objectif est de doubler la production dans les deux ans et d'exporter une part plus importante ', ajoute-t-on en précisant que ' la crise qui sévit dans notre pays a seulement ralenti notre rythme de croissance '. Le gouvernement argentin favorise l'exportation en rétrocédant aux producteurs les taxes (TVA + impôts) payées sur les quantités vendues à l'étranger, soit 33 % du prix de la bouteille. Ce qui leur permet d'être compétitifs à l'export malgré l'existence de la parité peso-dollar (qui est à la hausse).
D'autres mesures sont mises en place par le gouvernement de la province pour favoriser la viticulture. Ainsi en 1988 a été lancé le ' Projet champagne ', en collaboration avec 12 bodegas et l'INV. Plus de dix ans après, sur les 37 bodegas de la région, 13 produisent du ' champagne ', en fait un effervescent qui galvaude le nom de cette appellation française. Carlos Podlech, d'origine allemande, héritier de la bodega Eduardo Podlech et propriétaire de 20 ha, est l'un d'entre eux. Son effervescent est élaboré essentiellement à partir de sémillon, torrontes, pedro gimenez et malvoisie. Par ailleurs, ' pour prévenir les risques de gelées hivernales entre septembre et novembre, l'irrigation est le moyen de lutte le plus répandu ', énonce notre interlocuteur. Des chaufferettes au gasoil sont également mises en place par les bodegas qui peuvent se le permettre.
Carlos Podlech écoulait jusqu'à maintenant les 30 000 bouteilles de sa production dans la province, à travers la vente directe à la cave et via des magasins spécialisés. Aujourd'hui, il doit chercher d'autres débouchés avec le peu de moyens financiers dont il dispose. ' L'Argentine vit une fracture sociale et la classe moyenne qui consommait cet effervescent disparaît peu à peu en s'appauvrissant ', explique Omar Castro, oenologue de l'INV.

Développer les appellations constitue pour l'INV l'un de ses principaux objectifs. Ceci est d'autant plus important que la région souffre de son isolement géographique et de la suprématie du nord de l'Argentine. ' La région a un très fort potentiel, mais peu de vignerons ont les moyens financiers et technologiques de l'exploiter ', résume-t-on. ' Ici, le développement de la vigne ne se fera qu'avec l'arrivée d'investisseurs étrangers ', soulignent de concert les professionnels. Le prix de la terre plantée en vigne à Rio Negro varie entre 3 000 et 5 000 dollars l'hectare, valeur bien inférieure aux prix en vigueur à Mendoza...

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