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Frioul Le choix du vin blanc

La vigne - n°117 - janvier 2001 - page 0

Ce vignoble italien de 20 500 ha, ' coincé ' entre la Slovénie et l'Autriche, les Alpes et l'Adriatique, a choisi de se réorienter vers le vin blanc.

Vigneron et président de plusieurs organismes professionnels, Pietro Pittaro est l'un de ceux qui a convaincu ses collègues du Frioul de réorienter la production pour se distinguer : ' L'Italie compte d'excellents rouges mais peu de blancs. Pourtant, nos voisins autrichiens et allemands les apprécient. Il y a quinze ans, le Frioul produisait 58 % de rouge et 42 % de blanc. Nous avons inversé ces proportions. Notre vin est facile à boire, équilibré et pas trop parfumé. 'Aujourd'hui, le Frioul compte 20 500 ha de vigne, dont 65 % en appellation Doc (dénomination d'origine contrôlée). La production de 1,3 Mhl est commercialisé moitié en vrac, moitié en bouteilles. A la vente, le prix moyen du col est autour de 17 F, mais certaines bouteilles dépassent les 100 F. Les consortiums professionnels - équivalent de nos syndicats viticoles - et les services agricoles de l'Etat participent à cette réorientation à travers une amélioration de la qualité. Les vignes palissées, plantées de 4 000 à 7 000 pieds/ha, remplacent les anciennes pergolas. Les rendements ne dépassent pas 120 à 130 q suivant la Doc (il y en a huit). Les caves sont globalement bien équipées : groupes de froid, pressoirs légers, cuves en Inox. Les coopératives produisent le quart des volumes, une proportion bien moindre que dans les autres vignobles de la péninsule. Le Frioul comprend deux terroirs : la plaine caillouteuse (graves) et des collines argileuses bien ventilées. Le raisin se vend entre 3 F/kg en plaine et 10 F/kg sur la meilleure colline. 1 ha vaut, respectivement, de 200 000 F à 1,5 MF. Giuseppe Colussi, technicien au service vitivinicole de l'Ersa (office régional de développement agricole), témoigne de cette politique classique d'amélioration : plantations plus denses, traitements phytosanitaires réduits grâce aux avertissements publiés dans la presse et à la télévision régionale, rénovation des caves, formation des vignerons, participation aux salons étrangers... Un autre atout réside dans la valorisation des cépages, en particulier locaux. Contrairement à la tradition italienne de nommer un vin en fonction de son lieu d'origine, les étiquettes frioulanes mettent en évidence les cépages. Les plus représentés (merlot, tocai, cabernet franc, pinots blanc et gris) rappellent l'épopée napoléonienne et les années d'occupation française. Les variétés locales (verduzzo, refosco, picolit...) reviennent en force. Rappelons que le Frioul est particulièrement bien placé pour la reproduction de la vigne. Les pépiniéristes de la commune de Raucedo détiendraient 30 % du marché mondial des jeunes ceps. Cette abondance de variétés complique le conseil. ' La biodiversité n'est pas seulement un problème pour vendre le vin, mais aussi pour les conseillers qui doivent connaître les vingt-cinq cépages de la zone et leurs problèmes spécifiques, en particulier phytosanitaires, cela en l'absence d'études scientifiques ', explique Marco Malison, directeur du consortium Colli Orientali del Friuli. Ivana Adami, présidente du consortium, élabore son vin qu'elle appelle de ' méditation ',' un blanc issu du cépage local picolit, vendangé en novembre, que l'on boit seul pour réfléchir '. Le consortium attaque la promotion au nord de l'Europe, développe ses ventes aux Etats-Unis et au Japon avec, en première ligne, la biodiversité des cépages locaux. De nombreux vignerons cultivent une passion complémentaire de leur métier. Pietro Pittaro collectionne des outils et des objets liés à la vigne dans son musée de 600 m², dont la visite complète la dégustation et la vente de ses vins. Paolo Valle imprime son adresse e-mail sur ses bouteilles. ' Cela me fait plaisir quand un passager envoit un message écrit dans l'avion pour me donner son opinion ! ' Il compte 2 500 visites quotidiennes de son site internet, pour une production de 3 000 hl sur 60 ha. Chaque année depuis 1983, la coopérative des Cormons regroupe deux cents membres (380 ha Doc, 35 000 q, 26 000 hl) pour une vendange sur 3 ha plantés avec 500 cépages du monde entier. Appelé ' vin de la paix ', la bouteille de ce blanc décorée d'une étiquette d'artiste, emballée dans une somptueuse caisse en ébénisterie, part vers les ambassades et les chefs de différents Etats ' en cadeau de fraternité et de bonnes relations avec l'Italie '. Cette initiative de communications interne et externe rappelle les campagnes publicitaires de Benetton.La storia la plus spectaculaire demeure celle des Nonino, première maison à distiller une grappa monocépage à partir de marcs triés, et à la vendre dans une bouteille évoquant plus la parfumerie qu'un digestif. Sans publicité, ce couple, assisté de leurs trois filles, a conquis 5 % du marché italien avec une grappa à près de 1 000 F/l ! Le secret : une créativité permanente et l'organisation d'un prestigieux prix littéraire qui récompense les travaux sur la civilisation paysanne. Une fois de plus, l'Italie démontre son talent pour associer commerce et patrimoine, culture et agriculture.

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