Les premiers signes du changement datent de 1999. L'année 2000 l'a confirmé : le sort économique des côtes du Rhône n'est plus lié à celui de Bordeaux, au grand contentement des professionnels locaux. ' Quand les prix des vins de Bordeaux ont fortement augmenté en 1998-1999, les consommateurs français ne se sont pas majoritairement tournés vers les côtes-du-rhône, comme c'était souvent le cas auparavant, souligne Jérôme Villaret, responsable des études économiques d'Inter-Rhône. Ils ont principalement opéré un transfert vers les vins du Sud-Ouest et du Languedoc, qui ont donc vu leurs achats progresser grâce à des acheteurs qui consommaient déjà des vins de ces deux régions. Ce qui s'est passé chez nous est totalement différent car l'augmentation des ventes s'est réalisée grâce au recrutement de nouveaux acheteurs. En 1998, 35 % des ménages français achetaient des vins de la vallée du Rhône et 84 % des vins AOC. En 1999, la proportion est passée à 39 %. Même s'il existe toujours des transferts entre les différents vins français, notre région subit nettement moins les contre-coups des hausses et des baisses des prix du bordeaux. ' Reste à fidéliser les nouveaux clients...Dans ce contexte dynamique, le chiffre d'affaires viticole de la vallée du Rhône vient logiquement de battre un nouveau record avec une valeur de 8 milliards de francs sur la campagne 1999-2000, contre 7,7 milliards lors de la campagne précédente. Les bons chiffres des exportations apportent une autre source de satisfaction aux intervenants régionaux. ' De janvier à septembre 2000 inclus, les vins de la vallée du rhône sont les seuls à avoir progressé en valeur et en volume à l'exportation ', poursuit Jérôme Villaret. Sur les neufs premiers mois de l'année, les expéditions ont ainsi augmenté de 4 % en volume et de 12 % en valeur contre, respectivement, une baisse de 3 % et 2 % pour l'ensemble des VQPRD français. ' Ces résultats satisfaisants doivent toutefois être tempérés car avec un taux d'exportation inférieur à 30 %, les vins de la vallée du Rhône enregistraient un certain retard par rapport à d'autres régions françaises. Grâce au taux de change favorable, ce sont les expéditions vers les Etats-Unis (47 000 hl en 9 mois) et le Canada (24 000 hl) qui ont le plus progressé : 50 % en volume et 63 % en valeur. Outre leur rapport qualité/prix attractif, les vins de la vallée du Rhône bénéficient d'un engouement pour leur typicité, leurs arômes et leurs couleurs. Les articles élogieux de la presse américaine en général, et de Robert Parker en particulier, renforcent la belle image des vins de la région. ' Nos vins sont à la mode outre-Atlantique, précise un négociant. Pour combien de temps ? ' Comme pour les autres vins français, les exportations vers le Royaume-Uni ont connu un net ralentissement sur le premier trimestre 2000, en raison d'un sur-stockage des distributeurs anglais à la fin 1999. Depuis mai, les ventes sont reparties, sans toutefois rattraper le niveau de l'année précédente (- 2 % en volume sur les neuf premiers mois, + 1 % en valeur). Le bilan n'est pas aussi euphorique pour les ' jeunes ' AOC (côtes du Ventoux, coteaux du Tricastin, costières de Nîmes, côtes du Lubéron) dont les prix de vente en vrac sont nettement inférieurs à ceux des côtes-du-rhône (826 F/hl). ' Le marché de la vente directe est correct pour ces appellations, précise Jérôme Quiot, président d'Inter-Rhône. Celui du vrac est un peu plus difficile, avec des cours qui sont toutefois passés de 350 à 450 F/hl en quelques années. Les stocks des vins de pays créent un environnement défavorable pour les 'jeunes' AOC. 'Les responsables de ces ' jeunes ' appellations ont décidé de regrouper une partie de leur budget de communication pour mettre en place une publicité commune sur quelques pays. 3 millions de francs devraient ainsi être affectés à cette initiative en 2001. Sur le plan promotionnel, Inter-Rhône organise pour la première fois les ' Découvertes en vallée du Rhône ', une manifestation comprenant dix-huit mini-salons dans les différents vignobles, du 11 au 15 mars 2001. Les acheteurs français et étrangers pourront ainsi déguster le millésime 2000, dont les appréciations varient de ' bon ' à ' excellent ', selon les secteurs géographiques. ' Il est encore un peu tôt pour être affirmatif, mais le millésime 2000 devrait figurer parmi les meilleurs du siècle ', pronostique Alain Jaume, de Châteauneuf-du-Pape. Seule ombre au tableau dans ce bilan très positif, la menace sur plusieurs terroirs viticoles de la région reste d'actualité. La Côte-Rôtie en est un symbole, avec le tunnel clôturant le contournement ouest de Lyon qui pourrait déboucher à Ampuis (Rhône). La mobilisation des vignerons et des négociants de la région s'organise.