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Entrée de l'oxygène, un critère trop négligé

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

Oenologues et chercheurs sont d'accord : la maîtrise de l'entrée d'oxygène dans les bouteilles est le défi de l'oenologie des prochaines années. Il reste encore du chemin à parcourir.

'Le problème de la perméabilité des bouchons s'est posé en plusieurs étapes. D'abord avec le constat de bouteilles couleuses, ensuite avec les difficultés pour expliquer la différence d'évolution entre une demi-bouteille et un magnum, puis avec les pertes de CO 2 de certaines bouteilles ', explique Michel Valade, du Conseil interprofessionnel des vins de Champagne. Même avec un bouchage de qualité, l'entrée d'O 2 dans une bouteille se rapproche de 0,3 à 0,5 ml/l par an. La nécessité de maîtriser ce paramètre semble évident au sein de la profession, mais scientifiquement encore difficile.La structure du liège, de par son origine naturelle, est très hétérogène. De ce fait, les bouchons engendrent le caractère aléatoire du vieillissement du vin en bouteilles. Le passage de l'O 2 se fait par plusieurs voies. Les gaz peuvent passer au travers de l'épaisseur du liège, par les canaux présents dans les parois des cellules ou à l'interface verre/bouchon. Dans ce cas, c'est soit à cause du trop faible diamètre du bouchon par rapport au col de la bouteille, soit parce que la force élastique sur le verre ne suffit pas. Le bouchon peut aussi avoir un défaut de traitement de surface. Sa mise en place peut être défectueuse si la machine à comprimer les bouchons les plie. Les vins sont plus ou moins sensibles à l'oxydation, en fonction de leur teneur en composés anti-oxydants. Ces derniers sont soit ajoutés au vin (SO 2 et acide ascorbique), soit issus du raisin (composés phénoliques). Dans le premier cas, on connaît la dose de l'additif, dans le second, il est difficile d'estimer la capacité anti-oxydante. L'évolution dépend de la différence de vitesse entre la pénétration de l'oxygène et la réduction par les composés du vin. Une fois son potentiel anti-oxydant épuisé, le vin va s'oxyder et perdre tout son caractère. C'est l'incidence de l'oxygène et la tenue des vins qui sont mal connues. Des tests de perméabilité du complexe de bouchage permettent de mesurer, en situation réelle, certains paramètres. L'indice de pression d'étanchéité aux gaz donne, pour chaque bouchon, le seuil de pression à partir duquel les gaz le traversent. Cela ne donne pas d'indication sur le flux de gaz, mais empiriquement, cela sert à établir des différences de qualité. Ce test s'effectue en moins de 72 heures.La faculté d'oenologie de Bordeaux vient de terminer une thèse sur la mesure de la quantité d'O 2 entrée dans des demi-bouteilles au bout d'un an de conservation à température constante. Des bouchons de différentes qualités ont été comparés. En position couchée, les bouchons en liège de bonne qualité avaient laissé passer 0,64 mg d'O 2, les deux bouchons en plastique, plus de 2,1 mg (correspondant au seuil de sensibilité du colorant utilisé). En position debout, parmi les bouchons en liège, le haut de gamme en laissait 0,44 mg, celui de moyenne gamme 1,27 mg, le bas de gamme, comme les synthétiques, laisse plus de 2,1 mg. En position debout, la différence de qualité des bouchons est donc beaucoup mieux perçue, tandis qu'en position couchée, à court terme, la différence de qualité n'est pas significative. Le test mesurant le flux de gaz au travers du bouchon est plus long à réaliser, car il faut substituer les gaz du bouchon par un gaz inerte, comme l'argon ou l'azote, pour ensuite mesurer les flux de CO 2 ou d'O2. Il existe une méthode de comptage des molécules au laboratoire national d'essais à Trappes (Yvelines) : la coulométrie. Les molécules ayant diffusé au travers du bouchon en situation réelle sont comptées une à une par un détecteur. Ce dernier émet un courant après chaque passage d'une molécule. Les résultats doivent être interprétés avec prudence. Les conditions de la mesure doivent être méticuleusement adaptées à son objectif. Les différentes méthodes d'analyse de la perméabilité des bouchons à l'oxygène ne sont pas entièrement satisfaisantes. C'est pourquoi la Fédération nationale du liège entame un programme de recherche pour mettre au point une méthode de mesure fiable et objective par le laboratoire national d'essais. En attendant de connaître la perméabilité du bouchon choisi, les oenologues optent pour l'adaptation de la dose de SO 2 en fonction de la sensibilité du vin aux oxydations, de la conservation après embouteillage, de la durée du vieillissement et de la qualité du bouchon. Un rouge peut recevoir 25 à 30 mg/l de SO 2 lors de sa mise, pour s'assurer qu'il en contient 20 à 25 mg après. Pour les vins plus sensibles, il est envisageable d'en mettre 5 à 10 mg de plus, surtout s'ils sont destinés à la grande distribution. Selon Pascal Chatonnet, oenologue au laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde), ' tant que la quantité d'O 2, aussi infime soit-elle, pénétrant dans la bouteille reste inconnue et incontrôlable, il faut considérer l'oxygène comme un facteur de risque pour la bonne conservation. Les vins n'ont pas besoin d'O 2 pour bien vieillir en bouteilles. Le jour où l'on connaîtra précisément la quantité d'O 2 traversant chaque bouchon, on pourra choisir son bouchon en connaissant son influence sur l'évolution du vin. ' Mais la connaissance précise de la perméabilité des bouchons en liège restera une inconnue car le liège est naturel. Les bouchons de synthèse, grâce à des procédés de fabrication perfectionnés, pourront garantir une étanchéité la plus constante.

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