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L'arôme de torréfaction

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

Lors du Vinitech 2000, la tonnellerie Seguin Moreau organisait ses traditionnelles rencontres scientifiques. A cette occasion, Louis Blanchard, chargé de recherche de la tonnellerie, détaché à la faculté d'oenologie de Bordeaux, a présenté les résultats de travaux menés dans le cadre de sa thèse de doctorat. Il s'agissait d'identifier et de déterminer l'origine et l'influence du furfuryl thiol (FFT) dans l'arôme des vins. Cette molécule à odeur de torréfaction, identifiée depuis longtemps dans le café, l'a été récemment dans le vin. Elle présente une analogie avec l'odeur du bois de chêne chauffé. Cette observation a conduit le chercheur à supposer que sa présence dans les vins pourrait être reliée directement ou indirectement à leur passage en fûts. Ses travaux ont permis de vérifier cette hypothèse et d'élucider les voies de formation.Des blancs de différents cépages sont fermentés en fûts neufs ou usagés, et en cuves. Ils sont analysés un mois après la fermentation alcoolique. Du FFT est retrouvé dans tous les vins fermentés en barriques, et à des doses plus importantes en fûts neufs qu'usagés. Les vins fermentés en cuves ne contiennent pas de FFT. Des analyses sont aussi effectuées sur des rouges après huit mois d'élevage en fûts neufs, usagés, ou en cuves. Les teneurs en FFT sont hautes dans les vins élevés en fûts neufs ; elles le sont dix fois moins pour les vins logés en barriques usagées. Les vins élevés en cuves en sont, eux, totalement dépourvus. L'analyse de douelles de barriques chauffées montre que le FFT n'y est présent qu'en faibles quantités. Ces teneurs sont insuffisantes pour expliquer les concentrations en FFT parfois beaucoup plus élevées rencontrées dans les vins. Le FFT présent dans les vins fermentés et/ou élevés en fûts ne provient donc pas directement du bois. A la lumière de différents travaux de recherche réalisés précédemment, l'hypothèse du rôle du furfural dans la synthèse du FFT est émise. On sait en effet que le furfural se forme dans le bois, lors de la chauffe, par déshydratation du xylose. De plus, cette molécule apparaît rapidement dans les vins conservés en barriques neuves. Dans les vins blancs comme dans les vins rouges passés sous bois, le lien entre la quantité de furfural libérée par les fûts et la teneur des vins en FFT est établi. On montre aussi que la présence de furfural est indispensable à la formation de FFT. Les mécanismes de formation du FFT sont étudiés séparément sur les vins blancs et rouges compte tenu des différences des modes de vinification. Dans les vins blancs, Louis Blanchard montre que le FFT se forme à partir du furfural, et cela lors de la fermentation alcoolique. L'activité levurienne est en effet indispensable à cette transformation. Les levures de vinification produisent des ions HS- au cours de la fermentation alcoolique. Or, la formation de FFT se fait par addition de HS- sur le furfural. Ces ions sulfides, produits par le métabolisme levurien, sont utilisés pour la synthèse d'acides aminés soufrés. Si le milieu est carencé en azote, les voies de production des acides aminés sont bloquées et les sulfides s'accumulent dans la cellule. Ils sont alors disponibles pour la formation de FFT. Le chercheur montre d'ailleurs que ' l'enrichissement du moût en azote entraîne clairement une diminution de la production du FFT au cours de la fermentation alcoolique '. Pour les vins rouges, l'entonnage se fait après la fermentation alcoolique et la teneur en FFT augmente pendant l'élevage. La voie de formation est donc nécessairement différente de celle des vins blancs. Connaissant la sensibilité du FFT aux phénomènes oxydatifs, Louis Blanchard a souhaité mesurer l'incidence de la présence ou de l'absence de lies dans le vin au cours de l'élevage sur la formation de cette molécule aromatique. En effet, on connaît les propriétés réductrices des lies et leur aptitude à consommer l'oxygène dissous. Quatre modalités sont étudiées. Le même vin est élevé en fûts neufs ou usagés. A chaque soutirage, les lies sont séparées du vin (méthode traditionnelle) ou réincorporées. En fin d'élevage (soit dix mois plus tard), les vins en fûts neufs contiennent beaucoup plus de FFT que ceux en fûts usagés. Ceci confirme l'implication du furfural - plus abondant dans les fûts neufs - dans la formation de FFT. De plus, les vins élevés sur lies contiennent 30 % de plus de FFT en fin d'élevage que les vins élevés de façon traditionnelle. Cet écart apparaît surtout en barriques neuves où la quantité de furfural libéré est importante. La formation de FFT dans les vins rouges est donc favorisée, d'une part, par le logement en barriques neuves et, d'autre part, par l'élevage sur lies. Un autre essai compare l'influence de deux types d'élevage en conditions plus ou moins réductrices sur la formation de FFT. ' L'impact aromatique des fûts peut donc être influencé à la fois par les pratiques de tonnellerie, comme la chauffe, et par certaines méthodes de vinification ou d'élevage. On explique ainsi que l'entonnage des vins rouges bruts dès l'écoulage ou la fermentation des vins blancs en fûts favorise la formation de FFT, et donc l'apparition rapide de l'arôme torréfié ', conclut Louis Blanchard.

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